" Prendre en compte l'incertitude et les interrogations qu'elle suscite"
Qu'est-ce que la pédagogie ? |
"Vous faites quoi à la MPM ?" |
"L’incertitude est au cœur de la science", écrit Edgar Morin dans son ouvrage "Enseigner à vivre" (Actes Sud, 2014). La MPM, comme toutes les autres structures qui constituent notre tissu économique, social et culturel, la vit aussi au quotidien depuis le début du mois de mars. En cette fin avril, nul ne sait ni quand ni comment nous pourrons recommencer à nous réunir, et encore moins organiser des rencontres publiques.
Ce n’est pas pour autant – comme cela a déjà été dit dans le précédent billet – qu’il ne se passe rien à la MPM dans ce printemps décidément hors du commun…
Incertitude et agendas ne font pas bon ménage
Les personnes qui avaient reporté la rencontre-débat sur la pratique du débat à l’école, du 8 avril au 28 mai, vont devoir ouvrir à nouveau leur agenda : les perspectives sont trop incertaines pour maintenir cette date. Nous n’en proposons pas d’autre en cette fin d’année scolaire atypique et préférons reporter cette rencontre-débat au début de la prochaine année scolaire pour bien la commencer avec un sujet aussi important et d’une grande actualité. Il faudra donc attendre encore un peu avant d’inscrire cette soirée sur les agendas…
Il en va de même pour l’inauguration de notre Stammtisch pédagogique qui est dans les tiroirs de la MPM depuis quelques temps déjà. Il s’agit d’instaurer un espace régulier de convivialité autour des questions d’éducation et de pédagogie, un espace de libre parole à partir de sujets d’actualité, de préoccupations, d’interrogations personnelles à partager en fin de journée autour d’une table, d’un pot ou d’un casse-croûte. Un premier rendez-vous avait été pris pour le 14 mai, un autre pour le 18 juin. Là aussi, mieux vaut attendre l’automne pour installer ce moment de rencontre d’un autre type.
C’est l’envie d’échapper à l’incertitude de la date de la prochaine rencontre qui a amené une participante à suggérer et prendre en charge l’organisation d’une "rencontre avec les grands pédagogues" à distance. Le 20 avril, sept personnes se sont retrouvées devant l’écran de leur ordinateur pour poursuivre la rencontre avec du 30 janvier avec Ivan Illich, à la lumière de l’expérience imposée par la fermeture des établissements scolaires et du confinement généralisé. Une occasion de faire le lien entre la "société sans école" du penseur américain, au début des années 1970, et une école à distance du printemps 2020. L’occasion d’interroger, à partir du vécu des participants, la forme scolaire avec sa succession de séquences horaires, son découpage disciplinaire, ses regroupements fixes d’une classe sous la direction d’un enseignant. Et, au travers d’un article de Bruno Devauchelle sur l’enseignement à distance, la découverte de son projet de "maison de la connaissance", qui date de 2000…
En fin de séance, le groupe a souhaité rééditer cette formule qui permet de garder le contact avec les grands pédagogues : la rencontre avec Françoise Dolto prévue le 9 mars est donc fixée, à distance, au lundi 18 mai. C’est sûr, quelles que soient les conditions de déplacement et de réunion à cette date-là.
À la rencontre des grands pédagogues (suite) : Françoise Dolto RENCONTRE REPORTEE
La séance du groupe "Eduquer à la citoyenneté : oui, mais comment ? "
est reportée |
Enseigner, éduquer et former durant le confinement...Et après? La Maison de la Pédagogie de Mulhouse (MPM) propose de réfléchir ensemble aux questions qui se posent et aux bouleversements occasionnés dans les activités professionnelles des enseignants, éducateurs et formateurs. C'est pourquoi nous vous adressons un lien vers le canevas de réflexion dont les productions alimenteront des idées et des débats pour repenser l'éducation et la formation, et agir ensemble dans le cadre de la MPM, en toute indépendance. |
Rencontre débat : Faire débattre les élèves, un défi éducatif : pour quoi, comment ?
Rencontre reportée après la rentrée scolaire de septembre de 18 h 30 à 20 h 45 au Lycée Roosevelt 17, Boulevard du Président Roosevelt à Mulhouse |
L'école d'après...avec la pédagogie d'avant
C’est la question que pose Philippe Meirieu dans l’Expresso du Café pédagogique du 17 avril. Pour lui, incertitude des lendemains pédagogiques rime avec interrogation : Que décidera-t-on quand nous ne serons plus tenaillés par l’inquiétude, que le souvenir du confinement s’estompera progressivement et que les inégalités révélées par les terribles événements que nous vivons seront à nouveau éclipsées par l’activisme au jour le jour ?"
Dans ce long texte, Philippe Meirieu reprend et développe deux idées qui lui sont chères et que l’expérience de l’enseignement à distance remet au premier plan des préoccupations des acteurs de l’éducation :
- "Faire la classe, c’est articuler le commun et le singulier" ;
- "Faire l’Ecole, ce n’est pas proclamer l’égalité des chances, mais lutter pour l’égalité du droit à l’éducation".
Dans sa conclusion, il revient au titre de son article en esquissant, en creux, les éléments d’une pédagogie et d’une École "d’après" : "On n’a jamais autant parlé de solidarité : va-t-on, enfin, promouvoir une véritable pédagogie de la coopération ? On n’a jamais autant évoqué le bien commun : va-t-on, enfin, se rendre compte que, pour accéder à la conscience du bien commun, toutes les pratiques pédagogiques ne se valent pas ? On n’a jamais autant évoqué la nécessité de prendre soin des autres : va-t-on, enfin, faire de l’entraide une valeur cardinale de notre École et la substituer à la concurrence mortifère ? On n’a jamais autant dit que notre avenir ne pouvait être pensé qu’à la dimension de notre 'Terre-Patrie' : va-t-on, enfin, faire de l’écologie autre chose qu’un "supplément d’âme", raccordé tant bien que mal aux programmes canoniques ?
Il faudrait, pour cela, dépasser le simple stade d’enseignements ou de projets ponctuels qui laissent penser qu’on peut sauver la planète en introduisant quelques enclaves vertueuses sans rien changer aux logiques productivistes qui nous conduisent à l’impasse. Il faudrait permettre à nos enfants de comprendre que nous avons fait des choix et que d’autres choix sont possibles. Plus encore : il faudrait leur permettre de faire l’expérience d’un renversement radical de leur rapport au monde".
La crise d’une ampleur inédite que nous vivons permettra-t-elle la prise de conscience des choix nécessaires à effectuer pour amorcer ce "renversement" que Philippe Meirieu appelle de ses vœux ? L’École et l’éducation "d’après" sauront-elles y apporter leur indispensable contribution ? En ce domaine, comme dans d’autres, rien ne nous permet d’être sûrs que l’après sera meilleur que l’avant.
La MPM et les interrogations sur l’école, l'éducation, la pédagogie "d'après"
"Il y aura un avant ou un après coronavirus… en tout cas pour moi! », nous a dit notre collègue professeure de français. « En étant optimiste, il y aura là un retour sur expérience qu'il faudra saisir. Donc du travail en perspective pour la MPM.", nous a écrit un adhérent de l’association après lecture du billet d’avril. Dans le même temps, l’excellente revue en ligne AOC (Analyses, Opinions, Critiques) du 30 mars publie un article de Bruno Latour qui ne passe pas inaperçu : le sociologue et philosophe nous invite à profiter de l’effondrement de l’économie à l’échelle mondiale pour envisager de repartir sur d’autres bases, sur d’autres logiques. Et il propose de le faire en permettant à chacun(e) de s’impliquer personnellement dans la réflexion à l’aide d’un questionnaire. C’est cette démarche d’"auto-description" et de "discernement" que la MPM a jugé intéressant de transposer au monde de l’éducation et de la pédagogie.
Ce qui a abouti à l’élaboration d’un questionnaire à destination de toutes les personnes dont les pratiques pédagogiques ont été bousculées – et le sont encore pour une durée indéterminée - par la fermeture de tous les établissements d’éducation, d’enseignement et de formation. La présentation de ce questionnaire en précise les enjeux :
L’expérience inattendue et extra-ordinaire que nous vivons ne peut pas manquer de nous interroger sur notre métier d’enseignant, d'éducateur et de formateur. La Maison de la Pédagogie de Mulhouse (MPM) propose de réfléchir ensemble aux questions qui se posent et aux bouleversements occasionnés dans nos activités professionnelles.
C'est pourquoi nous vous adressons un lien vers le canevas de réflexion dont les productions alimenteront des idées et des débats pour repenser l'éducation et la formation, et agir ensemble dans le cadre de la MPM, en toute indépendance.
On l’a compris : il ne s’agit pas de dresser le bilan ni de ni de procéder à l’évaluation d’une expérience qui, espérons-le, n’est pas près de se renouveler. Il s’agit bien plutôt d’essayer de considérer cette période de travail "forcé" à distance comme un laboratoire d’expérimentation pédagogique susceptible de déboucher sur des changements plus ou moins profonds dans les domaines de l’éducation et de la pédagogie, et de contribuer ainsi, à notre niveau, à la construction du monde "d’après".
Mais, comme dans les autres secteurs d’activité, rien de ce qui peut advenir à la suite de ce cataclysme n’est certain. Pas plus que la date à laquelle la MPM pourra organiser une rencontre-débat à partir des contributions qui nous seront parvenues avant le 11 mai… si possible.
Bon courage à toutes et à tous et à bientôt !
À lire :
- l’article de Bruno Devauchelle dans l’Expresso du 3 avril
- l’article de Philippe Meirieu dans l’Expresso du 17 avril
Pour prendre connaissance de l’intégralité des contributions citées dans ce billet et suivre au jour le jour, du lundi au vendredi, l’actualité de l’éducation, de l’école, de la pédagogie pendant les semaines à venir, chacun peut consulter librement le site de l’Expresso du Café pédagogique : www.cafepedagogique.net
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