"J'éduque, tu éduques, nous éduquons...Oui mais à quelles fins ? "
Qu'est-ce que la pédagogie ? |
"Vous faites quoi à la MPM ?" |
Parents, enseignants, éducateurs de jeunes enfants, éducateurs spécialisés, accompagnateurs périscolaires, animateurs socio-culturels ou d’accueils de loisirs… tous font œuvre d’éducation auprès des enfants et des adolescents. Explicitement ou non, tous contribuent, chacun à sa place, et bien d’autres encore avec eux, à cette entreprise que l’on nomme "éducation" et que l’on retrouve, sous des formes diverses, dans toutes les civilisations, dans toutes les sociétés.
Un petit passage par l’étymologie nous dit que le verbe "éduquer" vient du latin ex-ducere, avec cette racine duc, que l’on retrouve dans conducteur ou aqueduc. Éduquer signifie donc "guider", "conduire hors de…" (l’enfance ?).
Toute la question est donc de savoir vers quoi guident, conduisent les personnes qui ont charge d’éducation.
"Éducation ou barbarie"
C’est le titre d’un ouvrage récent de Bernard Charlot, ancien professeur de sciences de l’éducation à l’université Paris VIII et co-fondateur de l’équipe ESCOL, dont les travaux sur le rapport au savoir ont notamment contribué à une compréhension fine de l’échec scolaire.
Bernard Charlot n’y va pas par quatre chemins dans l’entretien qu’il a accordé à l’Expresso du Café pédagogique du 12 février dernier : "Nous traitons nos enfants à l’école, mais aussi dans la société en général, dans des formes avec lesquelles, en fait, nous ne sommes pas d’accord, mais nous continuons. Fondamentalement, nous ne nous posons plus la question de l’être humain que nous voulons pour demain (…). Il n’y a plus aujourd’hui de discours anthropologique fondateur de l’éducation".
Pour Bernard Charlot, le système éducatif d’un pays n’est pas là pour obtenir une bonne place dans le classement PISA, ni pour permettre aux jeunes d’avoir "un bon métier pour plus tard". Pour lui, l’enjeu est bien ailleurs : : "On arrête de penser l’éducation en fonction de ce qu’est un être humain, et on la pense plutôt en fonction de ce qu’est la société, alors que nous ne devrions pas séparer les deux. L’éducation est un triple processus d’humanisation, de socialisation et de singularisation. Nous formons des êtres humains, et cela nous l’avons un peu oublié. Nous formons des sujets qui auront une vie singulière. Nous formons des membres d’une société, et ça, c’est devenu de plus en plus dominant". Surtout quand cette société, celle dans laquelle nous vivons, est fondée sur la concurrence et la compétition.
L’éducation apparaît donc bien comme l’antidote à une barbarie considérée par Bernard Charlot comme "la difficulté croissante à définir une frontière entre ce qui est humain et ce qui ne l’est pas, à dire quels comportements et quelles valeurs doivent être défendues par l’Homme".
Regardons maintenant, à la lumière de cette exigence, comment les activités de la MPM se situent dans ce vaste champ de réflexion.
À la rencontre des grands pédagogues (suite) : Françoise Dolto Rencontre-débat Lundi 9 mars 2020 de 18 h à 20 h 30 au Collège Bel Air 210 rue de l'Ilberg Mulhouse
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Rencontre débat : Faire débattre les élèves, un défi éducatif : pour quoi, comment ?
Jeudi 2 avril à 18 h 30 au Lycée Roosevelt 17, Boulevard du Président Roosevelt à Mulhouse |
Éduquer au débat
Nous l’avons déjà dit dans un précédent billet de la MPM, permettre à chacun de contribuer aux débats sur le monde dans lequel nous vivons et celui de demain constitue, pour Olivier Maulini, professeur de sciences de l’éducation à l’université de Genève, la finalité de l’école et de l’éducation. Débattre est au cœur de l’exercice de la citoyenneté dans une société démocratique, comme nous l’a aussi rappelé Claude Escot au printemps dernier.
Pourtant, en France, la pratique du débat n’est pas fréquente à l’école. Peut-être parce que participer activement à un débat requiert des compétences qui ne vont pas de soi, telles que s’exprimer, analyser, décider : compétences (ou capacités) dont les participants au groupe « Éduquer à la citoyenneté : oui, mais comment ? » explorent les différentes composantes en jeu, pour les personnes qui débattent aussi bien que pour l’animateur. Tout cela à cent lieues des simulacres de débat que nous donne la télévision ou qu’en a donné, l’an dernier, l’initiateur du "Grand Débat national" en répondant lui-même directement, aux propositions avancées par le public.
Le débat est ainsi une pratique qui ne s’improvise pas et dont il convient de bien saisir toute la portée éducative, dans et hors l’école, et pas seulement pour les élèves et les jeunes. C’est l’objet de la rencontre-débat du jeudi 2 avril, en présence de Jean-Luc Denny, formateur à l’INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation) de Strasbourg, et auteur d’une récente thèse de doctorat sur le sujet.
Une soirée qui s’inscrit bien dans le prolongement des propos de Bernard Charlot cités ci-dessus et qui, pour paraphraser le titre de son ouvrage, pourrait s’intituler : débat ou violence. Ou, plus précisément : éduquer au débat démocratique ou recourir à la violence verbale ou/et physique. L’éducation au débat au cœur des relations sociales de notre époque troublée.
D'autres visées éducatives...
En février, la MPM s’est ouverte à deux questions vives qui font largement déborder l’éducation et la pédagogie des murs étriqués de la salle de classe et de l’école :
- d’abord, le 5 février, la rencontre-débat qui a réuni 80 personnes autour de la question : "Agir contre le réchauffement climatique : quelles démarches pédagogiques ?" Une diversité d’interventions pour une éducation à l’écocitoyenneté : comment permettre aux jeunes et aux moins jeunes de prendre conscience des choix à effectuer dans l’urgence de la transition écologique ? Education : accepter ou lutter contre désastre planétaire annoncé ;
- ensuite, du 11 au 15 février, le Festival Enfance et Nature, auquel la MPM s’est associée, aux côtés de Praxis et du Moulin Nature de Lutterbach : plusieurs exposés ont montré des expériences qui visent à faire vivre aux enfants une relation directe physique, sensible, émotionnelle, cognitive à la nature. "Enseigner dehors" a, pour Sarah Wauquiez, des vertus qui vont bien au-delà de l'éducation à la nature.
En mars, la MPM se contente d’offrir une "Rencontre avec les grands pédagogues" : le lundi 9 mars, avec Françoise Dolto. Une autre occasion de s’interroger sur ce qu’éduquer veut dire. Une occasion, également, de prolonger la "rencontre" avec Ivan Illich du 30 janvier (voir trace sur notre site). L’un et l’autre font la critique radicale d’institutions scolaires qui ne remplissent pas leur mission d’éducation des jeunes. Mais, alors qu’Ivan Illich prône "une société sans école", Françoise Dolto contribue activement à la mise en place d’une "autre" école. À la fin du petit film qui sert d’introduction à la "rencontre", Philippe Meirieu interroge la finalité de l’école : permettre de réussir sa scolarité ou de réussir sa vie ?
Et nous voici revenus aux propos tenus par Bernard Charlot, sur la nécessité de questionner le couple École/Éducation à partir des finalités et des valeurs définies en commun pour fonder un projet éducatif contre la barbarie.
À signaler également
- la ré-édition de l'ouvrage "Du bon usage de la pédagogie", recueil des réflexions et des travaux de Mohand Saïd Lechani (1893-1985), promoteur de l'Éducation nouvelle en Kabylie, à l'époque coloniale
À lire
Trois articles parus dans l’Expresso du Café pédagogique, en février :
- "Enseigner, ça s’apprend" : Interview de Gérard Sensévy sur l’ouvrage qu’il a dirigé (Expresso du 31 janvier) :
- "L’École peut-elle échapper à la privatisation ?" : présentation du dernier numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres » (Expresso du 6 février) :
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