La MPM : Maison de LA pédagogie ou Maison DES pédagogies ?

La question est latente et revient régulièrement dans les échanges à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur de l'association.

Le singulier majuscule renvoie au processus de conceptualisation qui a abouti, après de longues tractations, à une définition aussi englobante que possible de LA Pédagogie qui figure sur le site et au verso du dernier "flyer" de la MPM.

Le pluriel minuscule s'impose dès que l'on veut parler de ce qui se passe sur le terrain, en termes de pratiques aussi bien que de convictions qui les sous-tendent. Le pluriel convient alors mieux à la description et à la compréhension de formes éducatives diverses et variées, irréductibles à un modèle unique.

Examinons ce qu'i en est de la pertinence de l'une ou l'autre appellation à la lumière des activités récentes et à venir de la MPM, de celles de la première quinzaine d'octobre et de celles de la mi-novembre.

La pédagogie du chef d'œuvre

C'est ce que nous ont présenté Léonard Guillaume et Jean-François Manil, les 1er et 2 octobre, dans le cadre d'un partenariat avec l'ICEM68 et l'OCCE68. Deux rencontres-débats (une à Mulhouse, l'autre à Colmar) et un atelier ont eu pour but de présenter une approche originale de la réalisation d'un chef d'œuvre par des élèves (voir "trace" sur le site de la MPM).

Pédagogie au sens plein du terme ou démarche pédagogique limitée dans le temps scolaire, à côté des autres activités de la semaine ? En tout cas, les deux intervenants ont eu à cœur d'insister sur la différence entre leur pédagogie du chef d'œuvre et la pédagogie de projet (qui peut aussi aboutir à la réalisation d'un chef d'œuvre). Mais, alors que dans ce second cas, la production est le plus souvent collective, chez L. Guillaume et J.-F. Manil, le chef d'œuvre est une réalisation individuelle, même si, en cours d'élaboration, les contacts et les échanges entre élèves peuvent être nombreux.

C'est que, nous ont précisé les deux enseignants, le but poursuivi n'est pas le même dans les deux cas. Alors que la pédagogie de projet vise l'implication des élèves dans les apprentissages, la pédagogie du chef d'œuvre repose sur la considération de l'élève, sur la prise en compte de sa singularité, afin de lui permettre de développer sa construction identitaire.

La pédagogie Montessori : hors l'École… et dans l'École ?

Maria Montessori est sans doute aujourd'hui la figure la plus connue de l'Éducation nouvelle, ce mouvement d'intense bouillonnement pédagogique né à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Des écoles Montessori (privées, hors contrat) ouvrent un peu partout, notamment dans notre région. La dernière en date a s'est installée, à la rentrée à Mulhouse, dans les locaux de l’ancien lycée professionnel Camille Claudel. Certains magasins consacrent des rayons entiers à la vente de matériel Montessori à destination des parents. Un article des Dernières Nouvelles d'Alsace a récemment donne la parole à un jeune couple qui élève son enfant en faisant l'éloge de la pédagogue italienne. Pour nombre de personnes, la pédagogie Montessori apparaît comme la réponse aux interrogations sur la capacité de l'Ecole à remplir sa mission d'éducation et d'enseignement.

Comme tout phénomène de société, ce qui ressemble fort à une Montessori Mania mérite d’être interrogé. C'est l’objet de la rencontre-débat du vendredi 15 novembre. La MPM se propose d'apporter un éclairage plus distancié et documenté pour mieux comprendre la pensée et l'œuvre de Montessori, ainsi que les raisons de son attrait actuel pour un nombre croissant de familles.

A cet effet, la MPM a fait appel à Bérengère Kolly, Maître de conférences en sciences de l'éducation à l'université Paris Est Créteil, et auteure, en 2018, de l'ouvrage "Montessori, l'esprit et la lettre". Une rencontre pour dépasser les clichés, les a priori aussi bien que les déclarations et les publicités réductrices. L’occasion aussi d’engager le débat sur les rapports entre service public d’enseignement et d’éducation et pédagogies dites "alternatives".

 La pédagogie Decroly

Ce sont les participants aux "Rencontres avec les grands pédagogues" qui, d'une fois sur l'autre, décident du pédagogue à 'inviter". C'est Ovide Decroly qui est au programme de la rencontre du lundi 18 novembre. Une autre grande figure de l’Éducation nouvelle, mais beaucoup moins à l’honneur aujourd’hui que Maria Montessori.

Pas d’intervention universitaire pour ces rencontres "à la bonne franquette " qui permettent aux participants de découvrir des idées et des pratiques qui stimulent la réflexion et nourrissent des échanges au gré des interactions entre le passé et le présent, entre les expériences et les questions des uns et des autres. Ȧ chacun d’y trouver son compte…

La pédagogie entre abstraction globalisante et constructions singulières

Pour Léonard Guillaume et Jean-François Mani, comme pour Maria Montessori et Ovide Decroly et bien d'autres encore, la pédagogie revêt une double dimension. Elle est à la fois mise en œuvre de pratiques éducatives et réflexion sur ces pratiques. Écoutons J.-F. Manil en ouverture de la rencontre sur la pédagogie du chef d’œuvre : "Le parcours d’un pédagogue, ce n’est pas de dire j’ai trouvé la solution, c’est de se poser en permanence la question : est-ce que ce que je propose a de la valeur ? "

Au pluriel, LES pédagogies sont singulières, souvent attachées à un nom ou à un objet, et se laissent assez facilement appréhender par la description de démarches spécifiques, de techniques, d’outils qui permettent de les identifier et de s’en réclamer plus ou moins légitimement.

En revanche, LA pédagogie est quelque chose d’impalpable. Elle peut être considérée comme une interrogation : qu’est-ce que ces multiples formes éducatives ont en commun, par-delà leurs nombreuses différences et divergences ?

La pédagogie peut alors apparaître comme la recherche obstinée et permanente d'une cohérence globale entre des convictions, des valeurs, des finalités éducatives et l’ensemble des moyens de les atteindre ou de s’approcher le plus possible de l’idéal visé. La pédagogie est dans cet acharnement à tout mettre en œuvre pour être en accord avec sa conception de l’éducation, dont les pédagogies fournissent autant de modélisations, de propositions théoriques et pratiques.

La MPM n’a donc pas vocation à héberger et promouvoir "une " pédagogie particulière, mais elle est à fois :

• la Maison de LA pédagogie qui accueille toutes les personnes en quête de sens à leur engagement éducatif ;
• la Maison DES pédagogies ouverte à la pluralité des pratiques éducatives, dans et hors l’École, dans le respect des fondements et des valeurs de la MPM.

C'est pourquoi les portes de la MPM sont grandes ouvertes à toutes celles et à tous ceux qui souhaitent échanger sur leurs pratiques, élargir leur champ de références pédagogiques, élaborer collectivement d'autres possibles éducatifs. La MPM invite ses adhérents et ses sympathisants à se retrouver à l’occasion de son Assemblée générale annuelle, mercredi 20 novembre, à 18 h 30, au Carré des Associations pour poursuivre ensemble la réflexion.

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