À la rencontre des grands pédagogues : 

Georg KERCHENSTEINER (1854-1932)

 

 

Rencontre

Lundi 28 février 2022 de 18 h 30 à 20 h 30, à distance.

Le nom de Kerchensteiner est moins familier à nos oreilles que celui de nombre d’autres « grands pédagogues » à la rencontre desquels nous sommes allés depuis bientôt 4 ans.

Si nous proposons d’aller à sa rencontre c’est parce que son nom figure sur la liste des 26 petites vidéos réalisées par philippe Meirieu  pour présenter les grandes figures de notre patrimoine pédagogique et éducatif dans sa série « L’éducation en questions ».

Avec G. Kirchensteiner, (et divers autres intervenants convoqués par P. Meirieu), nous nous interrogerons  sur la place du travail manuel dans la formation de l’humain. De quoi réveiller des souvenirs pour celles et ceux des participant(e)s qui ont fréquenté le collège à une époque où les élèves apprenaient à confectionner des cakes au rhum dans les cours d’éducation manuelle et technique. Mais de quoi aussi réfléchir ensemble sur les finalités de l’école, de l’éducation, de la formation aujourd’hui…

 

Animation

Rencontre animée à distance par Jean-Pierre Bourreau (MPM) et Tina Steltzlen (Le Rezo !)

 

Trace réalisée par Jean-Marie Notter avec la contribution de Jean-Pierre Bourreau et Josiane Grou

 

Télécharger ici

 

 

 

 

Le film de Philippe Meirieu s’ouvre sur le témoignage d’un apprenti du Centre de Formation et d’Apprentissage des Compagnons du Devoir d’Epône, dans les Yvelines.

Celui-ci souligne l’importance accordée dans sa formation au respect d’autrui et à la collaboration.

Meirieu évoque ensuite la richesse de la vie professionnelle de Georg Kerchensteiner : ce dernier a exercé dans l’enseignement général, dans l’enseignement professionnel, dans les écoles de commerce, pour être ensuite conseiller scolaire de la ville de Munich, responsable des écoles bavaroises, créateur de bibliothèques publiques, promoteur de l’éducation populaire et enfin, professeur honoraire de l’université de Munich.

Aucune allusion par contre à une quelconque théorie si ce n’est la mise en place d’un système éducatif cohérent qui donne un rôle prépondérant à la main et permet à Meirieu d’introduire son propos avec la question suivante : le travail manuel est-il nécessaire à la formation de l’humain ?

Nous verrons ensuite que, pour Kerchensteiner, lorsqu’il est question de « formation », c’est dans son acception large qu’il faut appréhender ce concept, qui va de l’intelligence de la main à la notion d’excellence pour aboutir à la réalisation de la personne.

Ce sont ces trois éclairages qui nous sont proposés, au travers de l’évocation de cet élève de Dewey et contemporain de Steiner.

 

Autour de l’intelligence de la main

Est évoquée la place des activités manuelles et du « faire », chez Freinet - rappelons le rôle de l’imprimerie - en relation avec le « learning by doing » de Dewey.

On apprend en faisant. Une réalisation concrète permet de souligner le rôle de la main et du corps pour atteindre l’objectif : ce qu’on veut faire va solliciter notre intelligence. Le passage par les mains permet de comprendre les choses.

Nous déplorons l’abandon du travail manuel, au collège plus particulièrement. On observe une évolution dans la manière de nommer, au collège, les temps consacrés à l’activité manuelle : les « travaux manuels » sont devenus les cours d’EMT (Education manuelle et technique) pour se transformer enfin en « technologie », avec une place privilégiée accordée à l’informatique qui sollicite davantage le cerveau. Et il est tellement plus facile d’emmener sa classe en salle d’informatique …

Lors de sa venue à Mulhouse le 4 février dernier, Aziz Jellab a évoqué le dénigrement de l’activité manuelle ; on peut aussi parler de dévalorisation du travail manuel.

Ne peut-on imputer la baisse supposée du QI au passage de l’écriture manuelle à l’emploi d’un clavier d’ordinateur ?

Le numérique nous a éloigné de l’intelligence de la main et des bénéfices qui en découlent. Il est très facile de prendre son portable pour photographier une plante alors qu’un dessin à la main implique une observation beaucoup plus approfondie.

Sans compter qu’il faut veiller ensuite à créer l’articulation entre le manuel et l’intellectuel.

La hiérarchisation des savoirs, propre à notre société, entraîne une dévalorisation du travail manuel. Nous créons un contexte de vie hors sol. Alors que le travail manuel a la capacité de porter la vie dans ses différents aspects. L’Education Nationale conduit les enfants au-dessus de la vie alors qu’elle devrait les mener dans la vie.

Une participante nous propose les citations suivantes de Montessori : « L’esprit s’organise avec l’aide de la main … La main est l’organe de l’esprit … Les mains sont les outils de l’intelligence humaine … L’enfant se construit à travers l’œuvre de ses mains. »

 

Autour de la notion d’excellence

Les images proposées par la vidéo permettent de visualiser la recherche d’excellence à laquelle s’astreignent les apprentis, constat souligné par les échanges qu’ils ont entre eux et avec le maître. L’excellence en tant que porteuse d’exigence, constitue le signe tangible de l’acquisition du savoir. En liant le travail manuel à de grands enjeux intellectuels, elle contribue à la formation de l’humain. Elle trouve aussi sa place dans les métiers non manuels, comme la programmation mais si cette dernière n’est pas lisible, elle n’est pas maintenable.

 

Autour de la réalisation de la personne

Le maître d’apprentissage, dépositaire du savoir-faire et témoin de l’importance de la transmission, met en exergue le rôle de la main dans la formation de l’humain

Dans une école qui accorderait à l’activité manuelle la place qu’elle mérite, la formation des enseignants devrait s’attacher à développer des travaux porteurs de sens, qui permettent à la personne de se révéler, de prendre confiance.

À la hiérarchisation des savoirs et des compétences dictées par la société, il convient d’opposer la notion du « care » qui fait écho à Pestalozzi et aux trois pôles que constituent la tête, la main et le cœur.

À cet égard, on rappelle aussi le concept d’éducation intégrale, prôné par Paul Robin, et l’importance de qualités comme celles de l’émerveillement suggéré par l’observation d’une fleur.

Pour aller plus loin, nous pouvons nous intéresser à des propositions telles que celles d’Abdennour Bidar, autour d’un ouvrage « Libérons-nous ! Des liens du travail et de la consommation » (Editions Les liens qui libèrent 2018 – Daniel Fayard). Nous y trouvons des invitations à créer « un nouvel écosystème de civilisation repensé et réorganisé pour faire contribuer toutes nos structures sociales au service d’un objectif : offrir à chacune et chacun les moyens de consacrer son temps libéré à la culture de son humanité. »

Pour conclure, revenons à Kerchensteiner lui-même, grâce à l’apport d’une participante, extrait de « La revue de l’école » (L'éducation à la citoyenneté. Par Georg Kerchensteiner. Chicago : Rand,McNally & Co, I9II. Pp. xviii+I33.)

Le Commercial Club de Chicago a rendu un service important à l'éducation américaine par ses recherches sur les écoles européennes. Ce service est accru par la publication, sous ses auspices, du premier des livres du Dr Kerschensteiner à paraître en anglais. Les travaux de cet important éducateur ont fait l'objet d'un compte rendu dans la School Review de mars 1908 (p. 344) et de juin 1906 (p. 432).

Le présent ouvrage est une élaboration du célèbre essai de l'auteur sur "l'éducation civique". En huit chapitres, on nous parle de : "Les possibilités existantes : Leur développement et leurs lacunes" ; "Le but de l'éducation civique" ; "Les conditions extérieures" ; "Les conditions intérieures" ; "Les forces éducatives scolaires" ; "L'importance du travail pratique à l'école" ; "Les forces éducatives non scolaires". Les contributions de l'auteur à une éducation réellement démocratique n'ont été surpassées par aucune autre. Il s'est familiarisé avec un large éventail d'efforts qui relient la réussite scolaire à la fondation d'un travail productif dans le domaine civique, hygiénique et dans d'autres formes d'activités professionnelles ou sociales. Grâce à ces efforts, il a répondu aux besoins de la jeunesse de Munich sur une base expérimentale et progressive.

L'intérêt démocratique de l'écrivain est constamment mis en évidence. "N'est-il pas étrange que la petite fraction de notre population qui se destine aux professions libérales soit obligée de fréquenter l'école jusqu'à l'âge de dix-huit ou dix-neuf ans, alors qu'elle est issue de familles qui possèdent à la fois les moyens et les qualités nécessaires à l'exercice d'une profession libérale ? Bien qu'ils soient issus de familles qui possèdent à la fois les moyens et les qualifications intellectuelles nécessaires à l'accomplissement de leurs devoirs éducatifs, alors que nous exposons l'écrasante majorité de leurs futurs électeurs aux dangers inconsidérés de la vie quotidienne, alors qu'ils ne sont encore que des enfants ?"

"Une grande masse homogène de mécontents n'est dangereuse que lorsque l'organisation de la nation et de la société fait du plus efficace un galérien."

Le Dr Kerschensteiner est toujours à son meilleur dans son plaidoyer en faveur du "travail pratique." « Nos institutions publiques et privées, nos programmes d'études et nos emplois du temps, devraient être jugés tout autant par leur influence sur la volonté que par leur influence sur l'intellect." "La valeur d'un travail remarquable dans l'éducation civique de la masse du peuple prend de l'importance quand nous pensons que, pour la majorité de ceux qui quittent l'école primaire, le travail doit non seulement fournir le principal moyen d'éduquer la volonté, mais il offre aussi ce qui est presque le seul point de départ au développement ultérieur de l'intellect, et avec lui, à tous ces traits de caractère qui ne peuvent pas être développés correctement sans une connaissance de la vie humaine. » "Comment donc aborder le jeune citoyen pour développer en lui un altruisme perspicace ? À cette question, une seule réponse me paraît possible : dans son travail."

Les personnes qui travaillent dans les domaines de la formation professionnelle, manuelle, morale, physique et civique trouveront dans ce livre de nombreuses suggestions de relations réciproques qui, si elles sont prises en compte dans notre travail actuel de formation dans ces domaines, éviteront beaucoup de gaspillage et permettront un progrès plus adéquat. 

(traduit de l’anglais avec www.DeepL.com/Translator)

 

 

Jean-Marie Notter avec la contribution de Jean-Pierre Bourreau et Josiane Grou

Membres de la Maison de la Pédagogie de Mulhouse

14 mars 2022