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 L'école inclusive, oui... mais comment ?

 

 

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Le lundi 10 octobre 2022 de 18 h 30 à 20 h 30 au Centre Sportif Régional d'Alsace

Les enseignants accueillent tous aujourd’hui dans leurs classes des élèves aux profils très diversifiés, à « besoins éducatifs particuliers » dont certains peuvent mettre à l’épreuve leurs compétences professionnelles voire rendre leur quotidien difficile.

Quel professeur ne s’est pas un jour senti seul, démuni, remis en cause dans sa pratique pédagogique lorsqu’un élève sort du cadre, explose, s’oppose, n’entre pas dans les apprentissages, empêche, même malgré lui, de « faire classe » ?

Nous avons tous à cœur de pouvoir mettre en œuvre la loi du 11 février 2005 (sur le handicap) de construire une école véritablement inclusive où l’accueil et le bien-être de chacun et de tous se feraient dans le respect des besoins spécifiques des élèves et des programmes de l’École

Mais comment faire ? Quelles pratiques privilégier ? Quels dispositifs mettre en place ? Quelles ressources pour les enseignants et les parents ?

Autant de questions auxquelles plusieurs acteurs de terrain apporteront dans un premier temps, leur éclairage et leurs réponses en fonction de leur rôle dans la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers. La seconde partie de la soirée sera ouverte aux échanges entre le public et les intervenantes.

 

Table ronde animée par Odile KROENIG (Proviseur adjoint du Lycée Roosevelt de Mulhouse)
Grand témoin : Nicole FORGET, inspectrice de l’ASH (Adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés) en retraite

Intervenantes

  • Lodi ISSA-BRUNET directrice médicale du CAMSP/CMPP de Mulhouse. Auparavant, médecin responsable du Centre Référent des troubles des
    apprentissages de l’hôpital du Hasenrain
  • Nathalie KELLER, chargée de mission troubles des apprentissages à la DSDEN du Haut-Rhin
  • Stéphanie JAROSZ, enseignante en ULIS au Collège de Burnhaupt
  • Gaëlle MACUBA, parent d’un élève à besoins éducatifs particuliers

 

 Trace de la rencontre

La préoccupation de l’inclusion scolaire n’est pas récente, l’éducation spécialisée est née au XIXe siècle. A sa naissance, en 1921, l’Education nouvelle, qui affirmait le principe d’éducabilité de tous les enfants, se fixera encore pour objectif d’intégrer tous les enfants.  Le traité international de Lisbonne sur l’éducation et la loi du11 février 2005 en France imposeront le principe de l’inclusion qui instaure le droit à la compensation en vertu du principe de solidarité de l’ensemble de la nation.

En introduction de la thématique, Nicole Forget, inspectrice de l’ASH (Adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés) en retraite, fait le lien avec la notion d’élèves à besoins particuliers » (BEP), qui, outre les élèves porteurs d’un handicap, recouvre des réalités fort différentes comme les troubles des apprentissages, des troubles du comportement, des élèves malades, voire les élèves à haut potentiel : une palette fort étendue d’élèves qui ne sont pas adaptés à l’école… ou pour lesquels l’école n’est pas toujours adaptée à leurs besoins.

Depuis 2005, on peut parler de « révolution quantitative » dans la prise en charge de ce public. On compte aujourd’hui, dans le Haut-Rhin, pas moins de 4 700 élèves BEP scolarisés en milieu scolaire ordinaire, 152 ULIS (Unités locales d’inclusion scolaire), plus de 2 000 élèves qui sont accompagnés par des AESH (Accompagnant d’élève en situation de handicap).

Mais, au plan qualitatif, il y a encore beaucoup à faire. Les professionnels sont souvent confrontés à de réelles difficultés. C’est l’objectif de cette table ronde de faire le point sur ces difficultés sur le terrain, mais aussi sur les pistes pour mieux répondre à l’exigence d’inclusion scolaire pour tous les jeunes.

Odile Kroenig, proviseure adjointe au lycée Roosevelt, prend alors le relais pour inviter chacune des 4 intervenantes à témoigner de leur expérience et apporter leurs éclairages sur l’inclusion scolaire des élèves à besoins éducatifs particuliers.

 

Le témoignage d’un parent d’élève

Gaëlle Macuba livre son témoignage de mère d’un enfant dont la dysorthographie n’a été identifiée que tardivement, au CM1. Jusque-là, tous les efforts de la maman se sont révélés vains pour per­mettre à l’enfant de mémoriser les mots pour réussir la dictée du matin. Longtemps, les mauvaises performances de l’élève ont été imputées à un manque de travail… jusqu’à ce qu’un bilan réalisé avec une orthophoniste permette de poser un mot sur son trouble de l’apprentissage de l’écriture des mots. Dès lors, il a été possible de recourir à plusieurs spécialistes (dont les soins ne sont pas toujours remboursés par la Sécurité sociale).

L’étape décisive a été, en classe de 4e, la possibilité d’utiliser un ordinateur, avec l’accompagnement d’un ergothérapeute. Ce qui a enfin permis aux enseignants de lire les écrits de l’élève Aujourd’hui, celui-ci est en 3e et le nécessaire a été fait, dès la 4e,  pour qu’il puisse bénéficier d’aménagements pour l’examen du Brevet

Un tel parcours d’inclusion a été rendu possible par la présence de spécialistes dans un environne­ment proche, une disponibilité des parents pour assurer les déplacements, des ressources financières suffisantes pour subvenir aux frais occasionnés par les soins… et une bonne connaissance du fonctionnement du système éducatif, de ses ressources e de ses procédures.

 

Le regard d’une professionnelle de la santé

Le Docteur Lodi Issa-Brunet revient rapidement sur le témoignage de Gaëlle Macuba pour le qualifier de « parcours du combattant », avant de compléter le tableau dressé par Nicole Forget en introduction de la problématique : aujourd’hui, c’est environ un enfant sur 10 qui présente des troubles du « neuro-développement ».

On appelle « trouble du neuro-développement » un défaut de développement d’une ou plusieurs compétences cognitives (langage, concentration, attention, mémoire, etc…) attendues du développement de l’enfant qui entraîne un retentissement important sur les apprentissages. Ce qui recouvre de nombreuses pathologies, bien au-delà des « dys », et qui mériteraient une prise en charge spécifique.

Jusqu’à il y a peu, on pensait qu’une prise en charge précoce de ces troubles permettrait d’éviter leur développement. En fait, il n’en est rien, d’autant plus qu’il n’y a qu’une ou deux PCO (Plateforme de coordination et d’orientation) par département, avec des listes d’attente incroyables. De plus, il n’y a pas de place pour accueillir les enfants dans un parcours de soin, par manque de professionnels et la prise en charge par les PCO s’arrête au bout d’un an… or, le plus souvent, d’autres troubles sont associés aux troubles du neuro-développement. La prise en charge de ces enfants peut être alors source de souffrances chez les parents, les enseignants et les soignants.

L’intervenante prend l’exemple d’un élève de CM2 adressé au CMPP par l’école pour troubles du comportement (concentration, retards en lecture) Et ce, au bout de 18 mois au moins sur liste d’attente pour obtenir un premier rendez-vous. Pendant ce temps, les parents ont consulté un psychologue. Selon les parents, c’est un enfant qui, à l’école, a du mal à gérer ses émotions et Il est mis sous ritaline. Mais les effets secondaires sont  plus néfastes que positifs et le CMPP décide d’arrêter le traitement.

Les parents étaient très peu disponibles. Au bout de 3 ans, le CMPP demande à les rencontrer et découvre une situation familiale compliquée. Une relation de confiance s’est installée entre le thérapeute et la famille. Parallèlement, le thérapeute est entré en contact avec l’école et a pu montrer aux parents que l’école n’était pas restée sans rien faire. Progressivement, les choses se sont apaisées et l’enfant a progressé. C’est le fruit d’une prise en compte globale de l’enfant qui lui a permis de se calmer.

 

Que retirer de ce témoignage ?

Souvent, il n’y a pas besoin d’expertise médicale pour le dépistage d’un trouble. L’enseignant a déjà perçu que l’enfant a des difficultés, qu’il est en décalage par rapport à ce qui est attendu à son âge (diagnostic fonctionnel). Ensuite, on recherche si quelque chose est associé à la difficulté de l’enfant. Puis on identifie la pathologie, on précise les difficultés cognitives d’apprentissage (diagnostic médical). À partir du diagnostic fonctionnel, on peut mettre en place des réponses pédagogiques et un traitement différencié, en partant de là où en est l’enfant.

Pour le Dr Issa-Brunet, la prise en charge pédagogique au quotidien est plus importante que les séances ponctuelles chez un spécialiste. Elle invite à mettre en route une intervention précoce, sans grand diagnostic, car le diagnostic médical et définitif ne sera pas précoce. Elle invite aussi la famille et l’enfant à vivre avec le trouble, mettre en place des stratégies pour faire avec…

 

Du côté des enseignants

Avec Stéphanie Jarosz (BBB), le regard se porte sur ce qui se passe à l’école ?

Tout d’abord, l’enseignant ne doit pas se sentir coupable de ne pas être à la hauteur s’il éprouve des difficultés dans la prise en charge des élèves BEP. Mais dans certaines situations, on peut se sentir réellement en souffrance, dans l’incapacité de les gérer.

L’enseignante évoque 2 types de situations.

Situation n°1 : un élève qui a du mal à s’exprimer et qui n’arrive pas à gérer ses émotions, ce qui entraîne des perturbations dans la classe.

Ne pas céder à la provocation, ne pas entrer dans le conflit, mais permettre à l’élève d’avoir un sas de décompression (le couloir, une salle à côté ou à l’écart). Etablir le dialogue est difficile… Confier l’élève à une tierce personne (CPE, Infirmière scolaire) pour lui permettre d’exprimer sa colère de façon cadrée. Après la crise, il est important de revenir vers l’élève lorsqu’il est calmé, l’inviter à définir ses besoins afin d’anticiper petit à petit ce qui le fait monter en tension et l’amener ainsi à mettre des mots sir ce qui a déclenché une telle colère en lui. Mais il n’est pas toujours facile de trouver le temps nécessaire à ces échanges avec l’élève, dans ou en dehors de la classe. 

Situation n° 2 : L’élève perturbateur en situation de décrochage scolaire

Il est souvent difficile de raccrocher l’élève avec les apprentissages scolaires. Avec ces élèves, il importe de développer une relation personnalisée, les aider à prendre conscience de leur potentiel, leur proposer des tâches qui ont du sens pour eux. On peut aussi recourir à un « Parcours aménagé de formation initiale » (PAFI) : une parenthèse  qui leur permet de sortir temporairement de l’établissement tout en évitant une rupture sèche avec la scolarité.

Par ailleurs, Gaëlle Macuba fait part de son point de vue de déléguée syndicale qui siège au CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et qui, à ce titre, a connaissance des difficultés rencontrées par les enseignants dans l’inclusion de certains de leurs élèves et qui sont parfois confrontés à de grands dilemmes qui peuvent être sources de souffrances. Dans certaines situations, en maternelle et en élémentaire, la seule présence de l’ATSEM (Agent territorial spécialisé en école maternelle) peut se révéler insuffisante pour faire son travail correctement. De plus, avec de jeunes enfants dont le diagnostic n’a pas encore été posé, il est fréquent de devoir aussi accompagner les parents… 

 

 

Le rôle de l’institution scolaire

Nathalie Keller (chargée de mission troubles des apprentissages à la DSDEN du Haut-Rhin) présente un tableau fort complet des ressources disponibles à l’échelle du département en terme d’inclusion scolaire. Il est malheureusement impossible d’en rendre compte ici de façon exhaustive et détaillée … cf. liens à la fin de cette trace.

Des personnes–ressources sont missionnées sur des problématiques spécifiques. Des ateliers de pé­dagogie adaptée, un Bureau des AESH (Accompagnant Élève en Situation de Handicap) complètent le tableau. Sans oublier la vingtaine d’enseignants référents handicap (chacun avec un secteur qui lui est propre)

Nathalie Keller souligne l’importance de constituer une équipe ressource auprès des différents partenaires : les élèves, les équipes pédagogiques, les familles, les partenaires extérieurs. Elle insiste sur la mise en place de cellules destinées à l’accueil des familles, qui les renvoient vers des services spé­cialisés, vers des personnes en cherchant à répondre le plus rapidement possible aux demandes pré­sentant un caractère d’urgence.

Au-delà de la formation et de l’information traditionnelles des enseignants, l’accent est mis sur l’accompagnement des équipes en associant le monde de l’Education nationale et les partenaires du monde médico-social. Par exemple, l’UEMA (unités d’enseignement maternelle autisme), l’UEEA (unités d’enseignement élémentaire autisme) et le DAR (dispositif d’auto régulation) accompagnent les équipes en direction des enfants atteints de troubles du spectre autistique : à l’inverse du processus d’externalisation, ces dispositifs concernent l’ensemble des enfants de l’établissement scolaire dans lequel ils sont implantés  ; il s’agit de faire monter en compétences des enseignants par un partage et un transfert de compétences entre le pédagogique et le médico-social. Dans le même ordre d’idées, des formations conjointes par sec­teur, permettent aux enseignants et aux AESH de construire une culture commune et de constituer ainsi de véritables binômes dans la prise en charge des élèves à BEP.

Dans le 1er degré surtout, la préférence va vers des formations qui répondent à des problématiques d’établissement, en réponse aux besoins exprimés par les enseignants.

On le voit : l’objectif est surtout d’accompagner les équipes pédagogiques du 1er er du 2nd degrés dans la durée, de leur venir en appui au-delà de la fourniture d’outils clés en main

Le passage en revue des personnes-ressources disponibles se poursuit avec les RASED, les personnels de l’EMAS (Equipes mobiles d’appui à la scolarisation : pour les élèves avec reconnaissance de handi­cap), et de l’EMR (Equipe mobile ressource) pour les élèves avec troubles de comportement et de conduite, un public qui finit souvent en ITEP (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique). Ce sont des professionnels du médico-social qui n’interviennent pas auprès des élèves, mais qui vont accompagner les équipes pédagogiques qui les sollicitent, qui vont les aider à identifier les forces et les faiblesses des élèves, comment anticiper les crises, dédramatiser, voir le positif, donner des clés de compréhension pour améliorer les relations et l’entrée dans les apprentissages. Toutes ces per­sonnes accompagnent les équipes sur site selon des durées variables en fonction des problématiques qui ont été identifiées.

Nathalie Keller revient sur le DAR (dispositif d’autorégulation). Ce dernier dispositif est 100 % d’inclusion : les élèves autistes sont dans les classes ordinaires mais une équipe de professionnels (un enseignant spécialisé et divers intervenants du médico-social) pratique la co-intervention.

Le partenariat vise à mieux se coordonner, surtout pour recueillir et échanger des informations utiles pour comprendre la situation et le fonctionnement de l’élève : son profil, ses points forts, ses besoins, ses stratégies de compensation, de façon à pouvoir ajuster les propositions d’ordre pédagogique. Il s’agit donc d’un changement de posture : sortir d’une logique basée sur la déficience, sur le manque, la difficulté, pour aller vers la logique de fonctionnement  qui permet de mieux cerner le profil des enfants et traduire les difficultés en besoins.

(C’est à ce moment de la soirée que l’enregistreur a cessé de remplir sa fonction…  rendant impossible la restitution des échanges entre le public et les intervenantes.

Mais il a heureusement été possible de retrouver la trace de la fin de la rencontre grâce aux notes d’une participante).

 

Eléments de conclusion par Nicole Forget

Les enseignants peuvent faire le diagnostic fonctionnel et c'est la première étape. La réponse ou les réponses à trouver sont un travail quotidien. Les enseignants doivent sortir du rêve des solutions qu'apporterait le professionnel "spécialisé " qui ne voit l’enfant que toutes les trois semaines. Le docteur Issa-Brunet nous a bien fait comprendre qu’un enseignant peut établir un premier diagnostic fonctionnel et que ce précieux diagnostic permet de mettre en route une intervention précoce et la mise en œuvre d’aides et d’adaptations qui, même mineures, peuvent se révéler capitales.

L'enseignant acquiert des compétences avec la pratique. Les enseignants des classes ordinaires doivent avoir confiance en eux, dans leur capacité à construire des micros solutions, ainsi, des dispositifs matériels peuvent être mis en place dans la classe elle-même permettant et donnant le droit à l'enfant de s'isoler lorsqu’il en ressent le besoin. Le recours au partenariat doit être une constante. Il faut penser à la possibilité de débriefer (de faire le point)  à distance, entre adultes et en classe, avec les enfants, prévoir des moments, des temps  de bilan institutionnalisés. Des dispositifs peuvent aider les enseignants à monter en compétence. La formation doit se faire de façon privilégiée en équipe d’établissement ; les solutions sont trouvées essentiellement collectivement.

Trace rédigée par Jean-Pierre Bourreau, relue et complétée par Nicole Forget

Avec les contributions de Annie De Larochelambert et Michel Sanchez

 

Ressources disponibles

  • bibliographie Télécharger le document sur la conférence débat

     

  • organigramme 68 Télécharger le document sur la conférence débat
  • équipe mobile ressources Télécharger le document sur la conférence débat
  • carte enseignants référentTélécharger le document sur la conférence débat