Billet MPM de juillet-août 2017

Le "pédagogisme" est mort ? Vive la pédagogie !

"Le pédagogisme doit désormais relever du monde d'hier", déclarait le nouveau ministre de l'Education nationale dans l'hebdomadaire Le Point du 25 mai (repris par l'Expresso du Café pédagogique du 29 mai). Derrière ce substantif en "isme", évocateur de système de pensée, on devine aisément la connotation péjorative. S'agit-il de ressortir la vieille hache –passablement émoussée- de la guerre entre "pédagogues" et "républicains" en prenant clairement parti pour les tenants d'un modèle pédagogique qui contribue à laisser une proportion non négligeable de jeunes au bord du chemin de l'accès au savoir ?

A la MPM, nous n'avons pas la faiblesse – ou la naïveté – de penser que la pédagogie peut, à elle seule, régler tous les problèmes de l'École et permettre la réussite de tous les élèves. Dans une société aussi inégalitaire que la nôtre, l'institution scolaire, par-delà la générosité de ses déclarations d'intention, contribue objectivement à la reproduction des inégalités fortement corrélées aux inégalités de réussite scolaire. Les ministres et les réformes de l'Éducation nationale passent… et les écarts continuent de se creuser entre les "bons" élèves et ceux que l'on dit "en difficulté".

En revanche, à la MPM, nous savons que la pédagogie n'est ni un vain ni un gros mot.

Que l'on songe à ces jeunes élèves et à leurs enseignants du film "Ecole en vie" (projeté en octobre 2016 au cinéma Bel-Air), heureux d'apprendre et d'enseigner dans des classes transformées en atelier ou en ruche ; au cours des échanges qui ont suivi la projection, est revenue la même interrogation : Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'écoles qui pratiquent ces pédagogies ?

Que l'on songe aussi à la rencontre-débat du 10 mai et aux témoignages, parfois émouvants, de ces jeunes du CLEPT de Grenoble qui, grâce à une organisation et des démarches pédagogiques "alternatives", ont repris le chemin de l'école et retrouvé le goût d'apprendre.

Que l'on songe encore aux 'échanges réciproques de savoirs" entre élèves mis en place dans plusieurs collèges mulhousiens avec le concours du Rezo! et dont le site de la MPM se fait volontiers l'écho. En sachant qu'il existe, tout autour de nous, de nombreux enseignants, éducateurs, formateurs dont les pratiques pédagogiques mériteraient de sortir de l'ombre et de leur isolement.

C'est que les logiques du politique ne sont pas celles du pédagogique !

Le politique a besoin d'annonces fortes, voire tonitruantes. Elle est à la recherche d'efficacité quantifiable, aussi immédiate que possible. C'est le règne du temps court, rythmé par les élections qui font et défont les majorités, les changements plus ou moins radicaux d'orientation.

Le pédagogique a besoin de s'inscrire dans la durée. Il suppose des tâtonnements, de la persévérance, voire de l'obstination. Il est fait de convictions et d'interrogations. Il se développe le plus souvent à la marge des institutions. Le pédagogique est, par nature, divers, foisonnant et complexe.

C'est pourquoi le pédagogue ne peut marcher au pas cadencé des élections et ne peut changer de direction à chaque coup de sifflet ministériel. Le pédagogue ne vit pas au rythme des réformes et des contre-réformes promulguées par le politique.

Par son statut associatif qui lui garantit son indépendance à l'égard de tout pouvoir établi, la MPM semble particulièrement bien placée pour accueillir et faire se rencontrer toutes celles et tous ceux pour qui la pédagogie peut constituer un puissant levier au service de l'émancipation, de l'autonomie, de la responsabilité de chacun et de tous. A commencer par les enseignants, les éducateurs, les formateurs pour lesquels il est important de mettre en cohérence leurs pratiques avec leurs convictions, que ce soit dans le cadre du service public d'éducation ou dans les perspectives infinies de la formation tout au long de la vie et du plaisir d'apprendre. La MPM est là pour que la pédagogie se vive au présent, sur le terrain, en sachant que les petites avancées locales sont plus porteuses d'avenir pédagogique que les grandes déclarations médiatiques.

Et pendant l'été…

La MPM ferme ses portes en juillet-août.

Mais les fenêtres restent ouvertes, ainsi que la boîte aux lettres et le courrier électronique.

La MPM invite donc celles et ceux qui le souhaitent à mettre à profit la pause estivale pour lui faire part :

• de leurs réactions après une année d'activités de l'association ;
• de leurs satisfactions, mais aussi de leurs frustrations ;
• de leurs envies, de leurs propositions pour l'année à venir ;
• et, peut-être, de leurs rêves, de leurs utopies pédagogiques…

En attendant, bel été à toutes et à tous et au plaisir de vous retrouver à la fin septembre, pour faire de la Maison de la Pédagogie de Mulhouse un intense foyer pédagogique démocratique, autonome et émancipateur.

A lire aussi l'article du Monde du 29 mai "Repenser notre éducation : une urgence démocratique et républicaine". Parmi les auteurs, Loïc Chalmel, professeur en Sciences de l'éducation à l'UHA et membre de la MPM.