Billet MPM de juin 2024
De l'international au local, du système éducatif à la classe,
la Maison de la Pédagogie de Mulhouse
explore le champ des possibles scolaires et pédagogique
Avec une persévérance qui peut parfois friser l’obstination, la Maison de la Pédagogie de Mulhouse continue, Rencontre-débat après Rencontre « Dans le sillage des grand(e)s pédagogues », à semer des graines dans le champ de la pédagogie, de l’école, de l’éducation. Elle le fait en toute indépendance, dans le respect de ses valeurs, en arpentant le champ des possibles en compagnie du professeur d’université aussi bien que de l’enseignant de terrain, en convoquant les résultats de la recherche scientifique aussi bien que les tâtonnements de l’expérimentation pédagogique. Avec le constant souci de faire rimer le « possible » et le « réel ».
Que nous apprend l’analyse comparée des systèmes éducatifs et des politiques d’éducation à l’échelle internationale, du point de vue de la réussite des élèves ?
C’était l’objet de la Rencontre-débat du 21 mai dernier, en présence de Romuald Normand, professeur à l’université de Strasbourg et expert européen en matière d’organisation de l’enseignement. Il est venu nous présenter les résultats les plus récents de la recherche scientifique internationale qui porte sur les systèmes éducatifs de pays obtenant de bons résultats aux enquêtes internationales, notamment les enquêtes PISA. Ces travaux permettent de mettre en évidence un certain nombre de facteurs communs qui contribuent à la réussite des élèves.
La décentralisation du système éducatif et l’autonomie des établissements scolaires
Alors que le système éducatif français est l’un des plus centralisés au monde (celui de la Chine ne l’est pas autant), toutes les recherches montrent que les pays dont les systèmes éducatifs sont les plus décentralisés sont ceux qui réussissent le mieux à PISA : en effet, le top/down ne marche pas.
Dans le même temps, les pays dans lesquels les chefs d’établissement accordent le plus d’autonomie à leurs équipes pédagogiques et développent les pratiques collaboratives des enseignants autour du lien entre enseignement et apprentissage, sont ceux où il y a le plus de chances d’améliorer les résultats des élèves.
Le développement professionnel continu des enseignants
C’est un processus qui vise à développer la réflexivité professionnelle des enseignants en nourrissant le dialogue entre professionnels et un apprentissage entre pairs. On les accompagne, on leur apporte des savoirs experts sur la formation ou sur la recherche, avec le souci qu’ils correspondent à leurs besoins en développement, à leur niveau de connaissances et qu’ils puissent se les approprier pour ensuite transférer ces savoirs dans les pratiques et les postures pédagogiques dans la classe.
À cela, il faut ajouter un haut niveau de formation académique (master, doctorat), un bon niveau de rémunération, la valorisation de la profession par le ministère de l’éducation et dans la société civile. Il faut encore prendre en considération des critères de sélection exigeants à l’entrée dans le métier comme l’appétence pour la pédagogie, mais aussi la formation à un haut niveau d’expertise dans l’analyse clinique des conditions d’apprentissage (l’articulation entre recherche et pratique…).
Du côté des équipes de direction : le leadership scolaire ou pédagogique
Au-delà du climat scolaire et de l’effet établissement, l’action des équipes de direction auprès des enseignants joue un rôle déterminant. Elles ont la capacité de faciliter les pratiques collaboratives, l’engagement collectif des enseignants sur les pratiques et les postures pédagogiques dans la classe. La recherche a établi une typologie de cette implication des équipes de direction en fonction de leur champ d’intervention.
Dans le leadership « distribué », le partage d’une grande masse d’informations permet aux enseignants de s’organiser en « îlots » avec suffisamment d’autonomie et de responsabilité pour décider par eux-mêmes de leurs séquences pédagogiques, de leurs modalités d’évaluation ; tout cela en concertation avec l’équipe de direction qui coordonne l’ensemble dans le but d’améliorer les résultats des élèves.
On parle de leadership « systémique » lorsqu’il y a coordination des établissements à l’échelle d’un territoire pour partager des ressources, mettre en place des actions transversales, définir des projets communs, transférer l’expertise sur des pratiques réussies ; autrement dit lorsqu’il y a structuration des établissements en réseau, en communauté d’apprentissage professionnel.
Un accompagnement dans la durée
Le développement de telles compétences nécessite un accompagnement des acteurs sur un temps long et selon des modalités telles que le mentorat en direction des débutants ou des enseignants en difficulté.
C’est aussi le rôle de celui que la recherche nomme l’ « ami critique ». « Ami » car il est là pour aider les enseignants à réfléchir, à développer les apprentissages entre pairs, à tester des choses nouvelles dans la classe. « Critique » car il n’appartient pas au groupe des enseignants, il ne partage pas la même culture professionnelle ; il va alors pouvoir opérer un décentrement, apporter des choses nouvelles, permettre au groupe d’enseignants de réfléchir sur leurs pratiques pédagogiques dans une déstabilisation empreinte d’empathie, d’écoute, jamais stigmatisante ni prescriptive.
Un tel accompagnement débouche sur la construction de savoirs pédagogiques et didactiques nouveaux chez les enseignants. Mais la recherche montre que, pour que ça marche, il faut compter de 18 à 24 mois, à condition que l’expertise soit de qualité, adaptée aux besoins des enseignants et qu’on se soucie de l’impact de ce développement professionnel sur les pratiques de classe pour progresser ensemble dans un développement professionnel ; la finalité étant toujours l’amélioration des résultats des élèves.
Et la France dans tout ça, avec ses groupes de niveau ou de besoins ?
Romuald Normand rappelle que la recherche internationale est unanime pour dire que le groupement des élèves par niveau ne fait que creuser les écarts. En revanche, les grouper de manière flexible avec des enseignants qui réfléchissent à leurs séquences pédagogiques et aux modalités d’évaluation des élèves, peut produire des effets à plusieurs conditions : que l’on décloisonne la classe, en constituant des groupes de faibles effectifs, que l’on forme les élèves aux compétences psycho-sociales afin de leur permettre de comprendre l’enjeu du travail de groupe et que l’on forme aussi les enseignants à ces mêmes compétences psycho-sociales pour qu’ils puissent comprendre ce qu’est l’animation d’un groupe d’élèves, au-delà de la relation individualisée avec chaque élève du groupe. Toutes choses qui demandent temps et accompagnement…
- Pour en savoir plus, retrouvez la Trace de la Rencontre-débat du 21 mai sur notre site
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Rendez-vous est donné au 24 juin à celles et ceux qui souhaitent découvrir le dispositif pédagogique que Brian Bègue a expérimenté à différents niveaux de la scolarité, de la maternelle à la SEGPA. Les « micro-conférences autonomes (MCA) » empruntent à la fois aux conférences d’élèves de la pédagogie Freinet et à un dispositif de formation d’adultes basé sur l’enregistrement vidéo puis l’analyse de prestations des acteurs. Voici ce qu’en dit Brian Bègue :
« L’objectif de ce dispositif est de développer plusieurs compétences clés en lien avec le socle commun, notamment la prise de parole en public, l’esprit critique, le langage d’évocation, ainsi que la capacité à partager, élaborer et recevoir des feedbacks constructifs de la part de ses pairs et/ou de l’enseignant.
Les effets positifs des MCA sont nombreux : les élèves améliorent leurs compétences en présentation et en animation, et les débriefings réguliers créent un environnement propice à la réflexion collective et à la reconstruction individuelle. »
Un exemple de créativité, d’inventivité, d’usage de la liberté pédagogique à partager et commenter. Un témoignage en résonance avec le propos d’un chef d’établissement rapporté par Romuald Normand en prolongement de son intervention : « Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé ». Une référence implicite aux termes employés par Claude Lévi-Strauss pour caractériser le travail social : braconnage et bricolage sont les deux mamelles de l’activité pédagogique.
Nul rêve fou, nulle utopie dans tout ce qui précède. Que ce soit à l’échelle de l’établissement ou à celle de la classe, les « possibles » scolaires et pédagogiques sont déjà là au service des apprentissages des élèves et en constante réactivation du plaisir d’enseigner.
- Pour s’inscrire à la séance du 24 juin : https://framaforms.org/inscription-dans-le-sillage-des-grandes-pedagogues-les-micro-conferences-autonomes-mca-1717690942
- Pour proposer la présentation d’un outil, d’une pratique, d’une démarche, d’un dispositif, d’un « possible » pédagogiques : MPM Atelier (sillages_grands) pédagogues_Cadrage_VD2.pdf (maisondelapedagogie.fr)
Pour contacter la MPM :