Billet MPM - Juin 2023
Faire entendre une pluralité de voix sur la pédagogie, l’école, l’éducation
Rencontre-débat Les jeunes ne lisent plus... Vraiment ? Le mercredi 14 juin 2023 A la Maison des associations, 62 rue de Soultz, Mulhouse Intervenante : Sarah ALAMI |
À la Maison de la Pédagogie de Mulhouse, Il n’y a pas de pensée unique. Pas plus que de référence pédagogique hégémonique. Et encore moins d’injonctions venues d’en haut. Tout juste des invitations à venir découvrir et interroger des pratiques et des conceptions de l’éducation dont chacun pourra ensuite faire – ou non – son miel. La « pédago diversité » est à la MPM ce que la biodiversité est à l’ensemble du vivant : une richesse à préserver, entretenir et sans cesse cultiver.
En mai, quand les « sans voix » interrogent l’école…
Lors de la rencontre-débat du 11 mai, il y a eu la voix passionnée, passionnante et déterminée de Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart-Monde France, venue présenter l’ouvrage qu’elle a dirigé : « L’égale dignité des invisibles ». À eux seuls, les mots ci-dessous, par lesquels M-A. Grard a terminé son intervention introductive, sont porteurs, dans leur simplicité et leur souci du détail, d’une extrême exigence dans la façon de concevoir la relation entre l’école et les familles les plus éloignées de l’institution scolaire : à l’école maternelle, « à la rentrée de septembre, rencontrer les parents. Tous les parents. Pas derrière le bureau. On va les rencontrer sur une chaise, à côté. Et puis on se parle d’abord d’adulte à adulte, on prend des nouvelles… Et, surtout, entendre les parents parler de leur enfant : « Votre enfant, parlez-moi de votre enfant… À votre avis, quelles sont les facilités de votre enfant, quelles sont les difficultés de votre enfant… Sur quoi il va falloir faire absolument attention cette année… Tout un tas de petites choses comme ça, qui font que le parent est en confiance. Il reviendra à l’école quand l’enseignante voudra le rencontrer. Prendre le temps de rencontrer tous les parents. »
Il y a eu les porte-voix des « sans voix » de la grande pauvreté : « alliées » d’ATD Quart-Monde et membres de la MPM se sont exprimés en écho aux témoignages recueillis par M.-A. Grard dans son ouvrage.
Après avoir présenté sa façon de faire accueillir collectivement, à chaque rentrée, les parents par les élèves de sa classe, Annie est partie du récit de Raphaël : « Pourquoi je n’accrochais pas à l’école ? C’était parce qu’on m’obligeait à apprendre des choses que je ne voulais pas savoir ». Oui, renchérit Annie, « il faut partir des questionnements de ceux que l’école intéresse le moins, mais que la vie intéresse. Et alors la vie entre dans l’école ».
Les propos de Vincent, comme ceux de Raphaël, n’ont laissé personne indifférent : « Quand j’étais en 3e et que j’ai entendu le conseiller d’orientation m’envoyer en STI, j’ai eu l’impression que j’allais travailler pour la NASA… En fait, je me suis retrouvé sur une tourneuse-fraiseuse ». Pour Dominique, Vincent a un regard sur son parcours, sur ce qu’il faudrait changer dans l’école lorsqu’il suggère, avec le recul : « Mettre en place une vraie mixité sociale dans les écoles, mélanger les enfants d’horizons différents… et surtout, former les enseignants à la connaissance des enfants de milieux populaires pour mieux les comprendre, sortir des préjugés et de la discrimination ».
Ce qui a marqué Andrée, dans ces témoignages, « c’est la foi qu’ont ces personnes dans l’école… et, en tant qu’enseignante, on ne peut que s’appuyer sur cette foi ». « Si on veut que les choses changent à l’école, je ne vois qu’une chose : dialoguer, dialoguer, dialoguer, avec les enseignants, et avec les parents » (Paulette, militante ATD, 63 ans). Et pour que la rencontre puisse se faire, il faut qu’on arrive à porter un regard sur chacun. Et c’est l’enfant en difficulté, c’est l’enfant en souffrance qui me fait être enseignante ».
Lors des échanges avec le public qui ont suivi, il nous a été donné d’entendre la voix – trop rare dans nos rencontres – d’une mère d’élèves : « Ce qui est écrit dans ce livre, ça touche vraiment chaque famille dans le moindre détail. Pas que les familles pauvres. A l’école maternelle, il faut d’abord apprendre à l’enfant à aimer l’école. Aimer l’école, ça veut dire aimer la vie par la suite… Un professeur peut emmener un enfant sur les nuages, comme il peut l’enterrer dans sa classe, tout simplement… L’orientation, à mon avis, il ne faut pas qu’elle s’arrête seulement à l’école ou à un certain âge… Il faut laisser la chance pour les enfants d’aller jusqu’au niveau secondaire… Je trouve que l’enfant, à 15 ou à 16 ans, a encore le droit d’être scolarisé normalement et de ne pas aller directement au travail. Ça ne lui laisse pas vraiment la chance de choisir de lui-même. Au collège, ce sont encore des enfants, et ne pas leur donner une vaste opportunité, c’est un petit peu dommage pour eux, à cet âge-là ».
Autant de paroles - et bien d’autres à retrouver dans la « trace » de cette Rencontre-débat en cours de rédaction - portées tranquillement, posément, par des voix incarnées qui ont donné encore plus de force à ces propos sur la pédagogie, l’école, l’éducation.
Et, pour clore la soirée, cette invitation de Marie-Aleth Grard à « surtout ne rien lâcher ! »
En juin, d’autres voix à venir entendre, partager, discuter…
Le mercredi 14 juin : Rencontre-débat avec Sarah ALAMI, une passionnée de littérature et de pédagogie (de 18 h 30 à 20 h 30, à la Maison des associations de Bourtzwiller. Pour en savoir plus...
Nina Blanchot, co-fondatrice des Editions Tsarines, dans la préface qu’elle a rédigée pour l’ouvrage de Sarah Alami : « Comment lire de vieux textes avec de jeunes élèves ? ».
Sarah Alami est enseignante de lettres. Elle témoigne de postures, de démarches, de gestes professionnels qui ouvrent des possibles, des perspectives réjouissantes et porteuses de sens pour l’ensemble des acteurs de l’éducation et pour les élèves de collège et de lycée. Cette professeure dans un lycée du XIXème à Paris, « ose » être auteure de sa propre pédagogie. Elle met réellement ses élèves en activité de lecture, d’investigation, d’expression écrite ou orale, de coopération, de créativité… tout en respectant les programmes.
Le 26 juin : rencontre avec un « grand pédagogue » inattendu : Tolstoï (de 18 h 30 à 20 h 30, à la Maison des associations de Bourtzwiller) Pour en savoir plus...
Grâce au documentaire de Philippe Meirieu, c’est l’occasion de découvrir l’extrême modernité du grand romancier russe du milieu du XIXème siècle en matière de pédagogie, en totale résonance avec nos questions sur le sens de l’éducation et de l’école d’aujourd’hui… et de demain.
Fidèle à ses valeurs et à ses engagements, la Maison de la Pédagogie de Mulhouse continue d’accueillir, de croiser, de faire dialoguer les voix pour lesquelles le respect de la dignité de tous passe par la mise en œuvre de pédagogies qui font de l’accès aux savoirs pour tous et pour chacun une préoccupation permanente.
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