Le billet de mars 2018
"On ne changera pas le système !"
Combien de discussions sur notre système scolaire se sont terminées par cet aveu d'impuissance à transformer une Ecole qui secrète trop souvent l'ennui chez les élèves et la résignation chez les enseignants ?
Et pourtant…
Celles et ceux qui ont spontanément applaudi à la fin de la projection, au cinéma Bel-Air, des films "Une idée folle" et "Enseignez à vivre !", ont découvert des élèves et des enseignants heureux d'être ensemble à l'école. De la maternelle à la structure innovante pour lycéens raccrocheurs, les réalisateurs de ces deux films donnent à voir et à entendre des élèves devenus chercheurs, parties prenantes de la gestion des activités et des apprentissages. Des visages épanouis, des propos revigorants, voire émouvants, surtout de la part de jeunes qui, après avoir quitté le système scolaire, reprennent goût à l'étude grâce à des démarches pédagogiques qui leur permettent de s'impliquer et de donner du sens aux savoirs. Mais aussi des adultes qui parlent avec passion de leur métier, des relations de confiance et de bienveillance qu'ils établissent avec leurs élèves. Des élèves qui se disent écoutés, qui se sentent respectés, encouragés, invités à prendre des initiatives et des responsabilités. Bref, des films qui montrent, preuves à l'appui, que des lieux d'enseignement et d'apprentissage peuvent être aussi des lieux de vie et d'épanouissement pour tous les acteurs.
Une question de fond
Lors des échanges qui ont suivi les deux projections, la même question est revenue : "Pourquoi ça ne se passe pas partout comme ça ?"
Question de bon sens, mais question bien embarrassante aussi.
D'abord parce que, comme cela a été dit à plusieurs reprises, il existe – fort heureusement ! – autour de nous, des enseignants, voire des équipes, qui mettent en place des démarches, des pratiques qui ressemblent à celles présentées dans les deux documentaires, pour la plus grande satisfaction des enseignants et des élèves.
Ensuite, parce que… parce que personne n'a le pouvoir de "changer le système" par un coup de baguette magique ! De nombreux ministres s'y sont essayés… et y ont perdu leur portefeuille. C'est que, si des réformes de structure sont possibles dans l'Éducation nationale, ce qui se passe dans la classe relève essentiellement des choix et des convictions de chacun dans le domaine de la pédagogie. Et nous savons tous que les systèmes de valeurs et les représentations (de l'enseignement et de l'apprentissage) sont difficiles à faire évoluer. Ce qui peut expliquer pourquoi la porte de la salle de classe reste le plus souvent fermée !
Que propose la MPM en mars ?
Dès lors, la MPM peut simplement – mais résolument – offrir des occasions de réfléchir collectivement sur les enjeux des options et des pratiques pédagogiques. Depuis son ouverture, il y a exactement deux ans, elle le fait au travers des activités qu'elle met en place chaque mois. En ce mois de mars 2018, les hasards du calendrier les ont repoussées et concentrées à la fin du mois.
L'atelier pédagogique du mercredi 21 mars poursuit la réflexion engagée le 7 février avec Pierre-Marie Théveniaud sur "le numérique à l'école". Dans le 2e épisode d'un mini-feuilleton pédagogique qui en comptera 4, il est question des répercussions de la lecture sur écrans sur le désir de lecture.
La rencontre-débat du mardi 27 mars (en partenariat avec NovaTris/UHA) propose une approche comparative de la pédagogie, avec Béatrice Durand, venue de Berlin. Son intervention "Allemagne-France : mise en perspectives de deux cultures éducatives" invite à se poser la question du lien entre pédagogie et culture nationale.
"Et si on parlait de pédagogie ?" L'atelier du mercredi 28 mars sort de la formule habituelle de cette activité, centrée sur des outils ou des pratiques. En effet, il était temps que la MPM se donne pour objet d'échanges le concept qui est sa raison d'être dans le paysage associatif mulhousien. (À noter que cet atelier est réservé aux membres de la MPM).
La première activité inscrite au programme d'avril est si proche de la fin mars qu'il semble judicieux de la présenter dès maintenant. Elle invite à partir "À la rencontre des 'grands' pédagogues" et du riche patrimoine d'idées et de pratiques qui nourrissent encore et toujours de nombreuses pratiques qualifiées d'"innovantes".
Passer du "on" au "nous", du global au local
Rien de ce que propose chaque mois la MPM ne fera changer le système éducatif dans sa globalité, avec ses pesanteurs, son organisation hiérarchique, son fonctionnement vertical, du haut vers le bas. Du moins pas tout de suite, pas de si tôt…
Alors, "ON" fait quoi et comment en attendant pour "enseigner à vivre", pour permettre aux élèves et aux enseignants de prendre plaisir à venir à l'école ou, plus modestement et plus prosaïquement, pour ne pas baisser les bras et explorer le champ des possibles ?
Alors, NOUS retroussons les manches et NOUS y allons, se sont dit des acteurs locaux venus d'horizons variés ; et voici ce que cela donne au niveau mulhousien :
- la mise en place d'un incubateur numérique et l'action "Démos", qui concernent toutes les deux des élèves des écoles primaires ;
- des ateliers d'échanges réciproques de savoirs dans plusieurs collèges, mis en œuvre avec la participation d'animateurs de Rezo! ;
- au lycée Bugatti, un ensemble cohérent d'actions et de dispositifs de prévention du décrochage scolaire (présenté à la rencontre-débat de mai 2016) ; depuis 3 ans maintenant, ces actions sont au cœur d'un partenariat entre le lycée et le département des sciences de l'éducation de l'UHA ;
- et sans doute bien d'autres actions innovantes qui mériteraient d'être connues.
Non, NOUS ne changerons pas le "système" !
En revanche, à l'échelle locale, NOUS pouvons faire de la MPM un lieu privilégié de rencontres, d'échanges, de ressources, d'élaboration de projets pour toutes celles et ceux qui veulent changer, de façon significative, les pratiques d'enseignement et d'apprentissage, pour le plus grand bénéfice des jeunes… et des adultes.