La relation au cœur de l'éducation dans la petite enfance
Une co-construction familles-enfants-professionnels

Rencontre-débat

Jeudi 6 avril à partir de 18 h 45

Centre socio-culturel Papin, 4 rue du Gaz – Mulhouse

Thème

À sa naissance, le nouveau-né arrive dans un "monde tout neuf". Il a perçu de nombreux échos de ce "monde" lorsqu'il était dans le sein de sa mère, dans cette relation en totale fusion, pendant la grossesse.

Qu'avons-nous à cœur d'offrir à vivre et faire découvrir à ce nouvel enfant, ce nouvel être, au cours des trois premières années de la petite enfance pendant lesquelles se construisent les fondations de son intelligence, de ses valeurs ?

Quelle qualité d'environnement, humain et matériel, voulons-nous lui offrir afin de favoriser l'épanouissement de ses potentialités humaines, en tant qu'être individuel et social ?

Quels "matériaux" mettons-nous à sa disposition pour qu'il puisse nourrir et développer ses potentialités ?

Cette soirée s'adresse à tous publics : parents, grands-parents, éducateurs de jeunes enfants, éducateurs, enseignants du premier et du second degrés, … .

Intervenantes

  • Isabelle ERTZER, éducatrice de jeunes enfants, directrice de l’Atelier de la vie à Mulhouse, intervenante en formation du travail social

  • Josiane GROU, éducatrice de jeunes enfants, intervenante en Formation Petite Enfance en pédagogie Steiner, membre du Collectif "Colloque autour de Pédagogies Différentes" de 2012 et 2015 à l'Université de Haute-Alsace à Mulhouse

Éléments de bibliographie

  • L'enfant, Maria Montessori, éditions Desclée de Brouwer, 2016.

  • L'enfant dans la famille, Maria Montessori, Maria Grazzini, éditions Desclée de Brouwer, 2010.

  • La pédagogie Montessori pour les enfants de 0 à 3 ans, Murielle Lefebvre, édition TMF 2013.

  • Un trésor pour la vie Les sept premières années – la base d'un développement harmonieux, Collectif, Editions Anthrosana, collection Conscience et Santé, 2006

  • Enfance – Éducation – Santé, Lignes directrices de la pédagogie Waldorf pour la petite enfance, de la naissance à la troisième année, Rainer Patzlaff, Claudia McKeen, Ina von Mackensen, Claudia Grah-Wittich, Éditions Fédération des Ecoles Steiner-Waldorf en France. 2010

  • La Dyslexie petite enfance et prévention, Josiane Grou, Éditions Fédération des Ecoles Steiner-Waldorf en France, 2006, épuisé chez l'éditeur.

Compte rendu

Cette 9e Rencontre-débat a innové d'un double point de vue. D'une part, elle a eu lieu dans un lieu différent du lieu habituel, puisque nous sommes descendus des pentes de l'Illberg pour nous installer en pleine ville, tout près de la place Franklin, dans la grande salle du Centre socio-culturel Papin. D'autre part, les deux intervenantes, Josiane Grou et Isabelle Ertzer, toutes deux éducatrices de jeunes enfants, nous ont permis d'aborder un continent pédagogique jusqu'ici resté à l'écart de nos Rencontres-débats, celui de la Petite Enfance.

Isabelle et Josiane ne sont pas venues les mains vides : chacune d'elles avait disposé sur des tables des objets divers et variés (balles de différentes textures, tissus et rubans de couleur, boîtes qui s'emboitent…) que les participants à la soirée ont été invités à découvrir, à manipuler tranquillement.

Puis les deux intervenantes ont disposé d'une demi-heure chacune pour présenter leur travail avec les enfants de moins de 3 ans dans leur structure et avec leurs références pédagogiques respectives : Montessori pour Isabelle, Steiner (mais aussi Pickler-Loczy) pour Josiane. Si chacune a adopté un mode de présentation personnel, ce sont les similitudes qui sont très vite apparues.

Parmi les traits dominants des pratiques pédagogiques mises en œuvre et les idées-forces qui les sous-tendent, on peut retenir :

  • l'importance d'accueillir le petit enfant dans un environnement riche et adapté : diversité des objets mis à sa disposition, mobilier adapté à sa petite taille, etc…

  • l'importance du regard porté sur le petit enfant, considéré comme une personne, voire comme un sujet à part entière, dont il convient de favoriser le développement de l'autonomie, de la créativité ;

  • la nécessité de respecter le rythme de développement de chacun, (y compris les éventuelles régressions) ; ne pas entraver la curiosité naturelle de l'enfant ni chercher à lui imposer une activité ;

  • le rôle éducatif de la règle, de la limite ;

  • le rôle d'observateur et d'accompagnateur de l'éducateur de jeunes enfants.

Autant d'éléments révélateurs de la place primordiale accordée par ces pédagogies à l'expérience propre de l'enfant dans la découverte de son environnement, de son corps, de sa relation aux autres. Autant d'éléments qui dessinent les contours d'une approche partagée de la pédagogie pour la petite enfance. Et, lorsqu'il a été demandé aux deux intervenantes de dire "en une phrase" quelle est la caractéristique de chacune des deux pédagogies en présence, la réponse s'est limitée à ce constat : alors que l'activité de l'enfant est appelée "travail" chez Montessori, on parle de "jeu" chez Steiner. Mais au-delà de cette différence lexicale ?

 

Les échanges qui ont suivi ont mis l'accent sur la mise en œuvre effective de ces pratiques dans les structures d'accueil de la petite enfance. Ont ainsi été évoqués les aspects suivants :

  • le coût du matériel pédagogique mis à la disposition des enfants (surtout dans la pédagogie Montessori) : Isabelle a montré comment il est possible de remplacer certains objets spécifiques par des objets courants ou bricolés ; en évoquant son expérience récente, Josiane a invité parents et éducateurs à faire preuve d'imagination et de créativité ;

  • les contraintes imposées par le nombre d'enfants accueillis dans les différentes structures (jusqu'à 30, parfois même un peu plus) : il devient alors difficile de garantir à chaque enfant l'espace personnel dont il a besoin ; difficile également de suivre de près le comportement et l'évolution de chacun (au risque de ne pas être en mesure de dépister à temps certains troubles) ;

  • l'origine sociale des enfants accueillis : les éducatrices présentes intervenant dans des structures locales soulignent la grande hétérogénéité, dans la mesure où les familles défavorisées peuvent bénéficier d'une prise en charge financière par la CAF ;

  • une interrogation à reprendre : quelle place pour le langage verbal dans les pratiques présentées au cours de la soirée ?

Une dernière notation : un seul homme (en dehors du rédacteur) présent à cette soirée. Sans commentaire…

Post scriptum : Pour rebondir sur la dernière question et faire le lien avec l'école maternelle.

Les études menées par le linguiste Alain Bentolila montrent que, à l'entrée en maternelle, les enfants de milieux défavorisés ont un vocabulaire deux ou trois fois moins étendu que les enfants de milieux aisés.

Le réseau international des "Cités de l'éducation" a pris à bras-le-corps cette interpellation : plusieurs villes ont mis en place des dispositifs, des actions concertées (entre pratiques pédagogiques, recherche universitaire et pouvoir politique local) pour réduire ces écarts de bagage linguistique qui constituent une source avérée d'inégalité de réussite scolaire.

Comment, aujourd'hui, la pédagogie peut-elle envisager, dès la petite enfance, l'articulation entre visées humanistes et préoccupations sociales ?

Jean-Pierre Bourreau (membre du Comité d'Animation)

10 avril 2017

 

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