Que peut nous apporter la recherche en sciences de l'éducation ?

Rencontre-débat n°9

Jeudi 16 mars à 18 h, Université de Haute-Alsace – Campus Illberg, École nationale supérieure de chimie, 3 rue Alfred Werner Mulhouse

Avec des chercheurs

Quelle utilité sociale pour la recherche en sciences de l'éducation ? Voilà une question qu’il est légitime de poser et de se poser, que l’on soit universitaire, élu local ou territorial, membre de la collectivité éducative : chef d’établissement, professeur, éducateur, personnel médical ou para médical, parent… ou simplement curieux.

Les doctorants mulhousiens du LISEC (Laboratoire Interrégional de recherche en sciences de l’éducation et de la communication – UHA, Université de Strasbourg, Université de Lorraine) proposeront un début de réponse, en partageant avec le public présent leurs recherches en cours, les résultats qu’ils en espèrent, les partenariats qu’ils mettent en place, mais aussi leurs doutes…

Les thèmes

Les modalités d’organisation de la soirée permettront, nous l’espérons, une large circulation du public en fonction des thématiques proposées, et un questionnement "direct" auprès des chercheurs présents :

  • Décrochage scolaire
  • Enseignement des langues par les pairs
  • Apprentissages et accompagnement interculturel
  • Insertion des adolescents en situation de handicap
  • L’enseignement de l’allemand en France
  • Méthodes d’éducation de Maria Montessori en Bulgarie et en France
  • Etude comparative France-Afrique autour des pratiques de confiage
  • Le bien être dans la formation des professions paramédicales
  • L’universitarisation de la profession infirmière
  • Les pratiques d’enseignement à Distance en formation professionnelle
  • La formation professionnelle des enseignants d’hier à aujourd’hui
  • Etc.

Les retombées sociales de nos recherches collectives et des partenariats engagés avec le Rectorat de Strasbourg, la ville de Mulhouse, NovaTris centre de compétences transfrontalières de l’UHA, ou le PHC Maghreb seront également décrites.

  • Rectorat de Strasbourg : Décrochage scolaire ; Audit de la politique bilingue ;
  • Ville de Mulhouse : Incubateur de projets numériques ; DEMOS ;
  • NovaTris : Retraités tuteurs ; réseau ABCM ; URCforSR (cluster en durabilité) et Graduate Academy SERIOR (sécurité et gestion du risque)
  • PHC Maghreb : Campus France, mutations des sociétés contemporaines

Le compte rendu

 

Photos Marie-Astrid Benard
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de Jean-Pierre Bourreau, avec les apports de Nicole Poteaux (membres du Comité d'animation de la MPM)
 

Ils sont venus. Ils étaient presque tous là, les doctorants en sciences de l'éducation. Il y avait même Mercedes, qui n'avait pas pu venir de Belgique, mais qui était présente par son affiche et disponible pour un échange à distance.

C'est Loïc Chalmel qui a été à l'origine de cette Rencontre-débat originale, en invitant les doctorants du LISEC à présenter leurs travaux pour poser la question de l'utilité sociale de la recherche en sciences de l'éducation. Chacun avait pour consigne de réaliser une affiche pour présenter de façon ultra synthétique le sujet de sa recherche. La tâche n'était pas aisée, mais tous ont respecté le cadre imposé et le hall de l'Ecole de chimie s'est transformé en hall d'exposition et de rencontre entre les doctorants et le public.

On pouvait ainsi découvrir les recherches suivantes :

  • la place du Moi dans l'éducation de publics à besoins spécifiques
  • l'enseignement des langues par les pairs
  • apprentissages et accompagnement interculturel
  • l'insertion des adolescents en situation de handicap
  • l’enseignement de l’allemand en France
  • les méthodes d’éducation de Maria Montessori en Bulgarie et en France
  • étude comparative France-Afrique autour des pratiques de confiage
  • le bien-être dans la formation des professions paramédicales
  • l’universitarisation de la profession infirmière
  • les pratiques d’enseignement à distance en formation professionnelle
  • la formation professionnelle des enseignants d’hier à aujourd’hui

Cette diversité des domaines d'investigation reflète bien la nature éminemment plurielle des sciences de l'éducation, instaurées discipline universitaire à part entière en 1967. L’éducation est un objet de recherche étudié par des sciences constituées comme la philosophie, la psychologie, la sociologie, l’économie. Elle est aussi un ensemble de pratiques productrices de discours et de savoirs. Les sciences de l’éducation se situent au carrefour de ces différents courants. Cette pluralité des approches traduit bien l'ampleur et la complexité du champ de l'éducation, bien au-delà de la salle de classe.

En ouverture de la soirée, Isabelle a présenté – non sans humour - le résultat de ses recherches et de ses réflexions sur la procrastination. Cette tentation à remettre au lendemain ce qu'on ne peut ou ne veut pas faire le jour même est largement partagée par les doctorants engagés dans une véritable course de fond. Parmi les "remèdes" évoqués, Isabelle a souligné l'intérêt des journées doctorales qui permettent aux chercheurs (qui ont, le plus souvent, à côté de la thèse, une activité à part entière) de faire le point sur l'avancement de leurs travaux. Puis Maud et Manon ont présenté les objets, les principes, les méthodes de la recherche en sciences de l'éducation, également multiples et variés en fonction des sujets de thèse.

Le moment est alors venu d'aborder la question qui était à l'ordre du jour de la soirée : comment s'articulent recherche scientifique et pratiques pédagogiques de terrain ?

Dans les formations d'enseignants, il est fréquent d'entendre des remarques telles que : "la théorie, ça sert à rien ; ce qu'on veut, c'est du pratique, des outils qu'on va pouvoir mettre en place dans nos classes"… Aujourd'hui, certains discours politiques ne se privent pas de proclamer l'inutilité des sciences de l'éducation dans la formation des enseignants.

A l'inverse, la Conférence de consensus organisée par le Cnesco les 7 et 8 mars derniers sur la différenciation pédagogique s'est ouverte par ce constat : "Les pays qui réussissent le mieux sont ceux qui font le lien entre la recherche et les préoccupations des praticiens".

Pour ouvrir encore plus largement le débat, rappelons les formules de deux grands scientifiques. Tout d'abord, la mathématicien Henri Poincaré, qui déclarait, à la fin du XIXe siècle : "La science parle à l'indicatif, pas à l'impératif". Puis le psychologue américain Kurt Lewin, auteur de la formule : ‘Il n'y a rien de plus pratique qu'une bonne théorie".

C'est Nicole Poteaux qui a apporté sa contribution au débat à partir de son expérience d'enseignant-chercheur en sciences de l'éducation. Celles-ci étudient des phénomènes éducatifs non pas tant pour donner des solutions immédiates que pour comprendre les enjeux et les articulations qui les sous-tendent. Elles proposent un détour par la recherche pour agir, toute action renvoyant inévitablement à une théorie ou à un ensemble de croyances implicites. Il s’agit d’une recherche sur les pratiques pour les pratiques.

La demande sociale sur les questions d’éducation est forte, mais Nicole a rappelé que les acquis de la recherche ne sont jamais transférables tels quels dans les pratiques de terrain : un chercheur se garde bien de dire à l'acteur de terrain ce qu'il doit ou devrait faire. Il "se contente" de produire et de mettre à sa disposition des savoirs qui vont lui permettre de mieux comprendre les enjeux, les tenants et les aboutissants des situations éducatives.

Nicole a notamment insisté sur les nécessaires allers-retours entre la théorie et la pratique, substituant une conception "circulaire" (ou interactive) à une conception "verticale" (ou applicationniste) des relations entre savoirs issus de la recherche et savoirs issus de la pratique. C'est pourquoi elle a une prédilection pour la "recherche-action" qui permet cette articulation permanente entre les deux mondes en travaillant sur le terrain avec les acteurs de terrain.

Après, la diffusion des recherches et la généralisation de résultats d’expérience est une question politique.

On peut aussi évoquer le concept de de "théorie-pratique" mis en avant par Etiennette Vellas. Sous cet apparent oxymore se cache une conception de la pédagogie comme l'articulation entre des "convictions" (ou valeurs), des "conceptions" (ou savoirs théoriques) et des "actions" (ou pratiques).

Nul doute qu'au moment de quitter l'amphi, chacun est reparti avec ses légitimes frustrations de ne pas avoir pu échanger davantage entre doctorants et public. La MPM est là pour héberger les rencontres, les échanges, les questionnements, les interpellations entre chercheurs et praticiens concernés par l'éducation, l'enseignement et la formation.

le 24 mars 2017

Jean-Pierre Bourreau, avec les apports de Nicole Poteaux (membres du Comité d'animation de la MPM)

 

Verbatim de doctorants post-rencontre

"D'abord, je tiens à vous remercier de cette belle soirée pédagogique où nous avons présenté nos travaux en formats posters, contente des différents échanges que cela soit dans le hall ou dans l'amphi. C'est de ce genre de rencontres dont nous avons plus besoin, car ce type d'échanges nous cadre et structure notre réflexion." Rosa

"Pour ma part, j'ai trouvé cela très intéressant notamment d'avoir les retours des personnes qui travaillent tous les jours avec notre public de recherche. Je pense que les échanges auraient pu durer un peu plus longtemps. D'un autre côté, il y a eu quelques doctorants frustrés de ne pas avoir eu d'échanges ou très peu. Cela tenait principalement à leur thématique (ex : formation infirmière) je pense car les personnes présentes étaient davantage intéressées par l'enfance." Manon