Quelle place a la nature dans l'éducation des enfants aujourd'hui ?

 Une rencontre-débat organisée par la MPM et NovaTris, le 22 mai 2019, à l'UHA, avec le concours de l'Académie de la petite enfance et le soutien de la MGEN

Une proportion importante d'enfants et d'adolescents grandissent à l'écart – ou presque – de la nature. Pour eux, le goudron et le béton ont remplacé la boue et les cailloux des chemins ; ils ne connaissent pas les plantes qui poussent dans les champs ; les images diffusées sur les écrans ont remplacé le contact direct avec la nature, ses paysages, ses odeurs, ses sensations… Se pose alors la question de la place de la nature dans la vie et le devenir des enfants.

On imagine bien que cette relation minimaliste à la nature n'est pas sans conséquences sur l'éducation des enfants. Des revues, des émissions de radio commencent à faire connaître les résultats des recherches pour mieux comprendre ce que l'on nomme "syndrome de manque de nature".

90 personnes ont assisté à cette rencontre-débat du 22 mai qui visait à apporter des éclairages à la fois théoriques et pratiques sur les mécanismes en jeu et les effets de la relation de l'enfant à la nature. Ce qui fut l'occasion d'une double innovation pour les organisateurs :

  • NovaTris et la MPM ont décidé de franchir le Rhin pour s'enrichir de la façon dont nos voisins allemands répondent à la question au centre de la soirée ;
  • la soirée s'est déroulée en 2 temps sur une durée totale de 4 heures (avec, à la mi-temps, une pause-buffet bien venue).

Dans un premier temps, Ulrich Gebhard , professeur au département de sciences de l'éducation à l'université de Hambourg (Allemagne) nous a apporté les éléments de compréhension pour mieux prendre la mesure des enjeux du lien entre l'enfant et la nature. Il est l'auteur de l'ouvrage Kind und Natur "L'enfant et la nature" (non traduit en français). Dans sa conférence sur "L'importance de l'expérience dans et avec la nature sur le développement psychologique de l'enfant", il nous a fait part des résultats de recherches aussi bien que de constats empiriques ou de témoignages recueillis auprès de jeunes enfants et d'adolescents.

Dans un second temps, cette conférence (en traduction simultanée) a été suivie d'une table ronde sur "Les relations des enfants à la nature dans les pratiques éducatives des deux côtés du Rhin".'Elle a permis à des acteurs de terrain de venir présenter des démarches, des expériences qui visent à faire vivre aux enfants et aux adolescents une relation authentique avec la nature. Etaient ainsi présent(e)s :

  • Gillian Cante, pour l'Académie de la petite enfance ;
  • Thomas Stéphan, pour le jardin d'enfants pédagogie Steiner de Wittelsheim ;
  • François Jaeckel, pour la Maison de la nature du Sundgau (Centre d'initiation à la nature et à l'environnement) ;
  • Lara Hell, pour Die Gartenkinder, Natur- und Hofkindergarten, Binzen.

     

Des échanges avec le public ont permis de préciser certaines notions ou d'évoquer des situations spécifiques.

Présentons tout d'abord les acteurs qui ont été les héros de la soirée :

  • les enfants : ce sont surtout les plus jeunes, voire les très jeunes qui ont été sur le devant de la scène (Ulrich Gebhard note le moindre attrait de la nature chez les adolescents) ;
  • la nature a été convoquée sous les formes les plus diverses, depuis la nature sauvage jusqu'à se médiatisation sur les écrans de télévision, en passant par les parcs urbains, les friches industrielles, les cours er les salles d'école ou encore une exploitation agricole.

La suite, bientôt…

 Photos Michèle Sanchez

La trace de Jean-Pierre Bourreau

Quelle place a la nature dans l’éducation des enfants aujourd’hui ?

Une rencontre-débat organisée par la MPM et NovaTris, le 22 mai 2019, à l'UHA, avec le concours de l'Académie de la petite enfance et le soutien de la MGEN

Une proportion importante d'enfants et d'adolescents grandissent à l'écart – ou presque – de la nature. Pour eux, le goudron et le béton ont remplacé la boue et les cailloux des chemins ; ils ne connaissent pas les plantes qui poussent dans les champs ; les images diffusées sur les écrans ont remplacé le contact direct avec la nature, ses paysages, ses odeurs, ses sensations… Se pose alors la question de la place de la nature dans la vie et le devenir des enfants.

On imagine bien que cette relation minimaliste à la nature n'est pas sans conséquences sur l'éducation des enfants. Des revues, des émissions de radio commencent à faire connaître les résultats des recherches pour mieux comprendre ce que l'on nomme "syndrome de manque de nature".

90 personnes ont assisté à cette rencontre-débat du 22 mai qui visait à apporter des éclairages à la fois théoriques et pratiques sur les mécanismes en jeu et les effets de la relation de l'enfant à la nature. Ce qui fut l'occasion d'une double innovation pour les organisateurs :

  • NovaTris et la MPM ont décidé de franchir le Rhin pour s'enrichir de la façon dont nos voisins allemands répondent à la question au centre de la soirée ;
  • la soirée s'est déroulée en 2 temps sur une durée totale de 4 heures (avec, à la mi-temps, une pause-buffet bien venue).

Dans un premier temps, Ulrich Gebhard, professeur au département de sciences de l'éducation à l'université de Hambourg (Allemagne) nous a apporté les éléments de compréhension pour mieux prendre la mesure des enjeux du lien entre l'enfant et la nature. Il est l'auteur de l'ouvrage Kind und Natur ("L'enfant et la nature", non traduit en français). Dans sa conférence sur "L'importance de l'expérience dans et avec la nature sur le développement psychologique de l'enfant", il nous a fait part des résultats de recherches aussi bien que de constats empiriques ou de témoignages recueillis auprès de jeunes enfants et d'adolescents.

Dans un second temps, cette conférence (en traduction simultanée) a été suivie d'une table ronde sur "Les relations des enfants à la nature dans les pratiques éducatives des deux côtés du Rhin".'Elle a permis à des acteurs de terrain de venir présenter des démarches, des expériences des réflexions qui visent à faire vivre aux enfants et aux adolescents une relation authentique avec la nature. Etaient ainsi présent(e)s :

  • Gillian Cante, pour l'Académie de la petite enfance ;
  • Olivier Stéphan pour le jardin d'enfants de Wittelsheim ;
  • François Jaeckel, pour la Maison de la nature du Sundgau (Centre d'initiation à la nature et à l'environnement, réseau Ariena) ;
  • Lara Hell, pour Die Gartenkinder, Natur- und Hofkindergarten, Binzen.

Les échanges avec le public et les réactions d'Ulrich Gebhard ont permis de préciser certaines notions ou d'évoquer des situations spécifiques.

 

Le moment est maintenant venu de présenter les deux catégories d'acteurs qui ont été les héros de la soirée ;

  • les enfants : ce sont surtout les plus jeunes, voire les très jeunes qui ont été sur le devant de la scène (Ulrich Gebhard note le moindre attrait de la nature chez les adolescents) ;
  • la nature a été convoquée sous les formes les plus diverses, depuis la nature sauvage jusqu'à sa médiatisation sur les écrans de télévision, en passant par les parcs urbains, les friches industrielles, les cours er les salles d'école ou encore une exploitation agricole.

La traduction simultanée de la conférence d'Ulrich Gebhard ne nous a pas permis de l'enregistrer pour en faire une relation précise et fiable. Nous nous contentons donc ici d'insérer le texte de présentation de son intervention qu'il nous a fourni.

L'importance de l'expérience dans et avec la nature pour le développement psychologique des enfants.

Notre connaissance de la nature et de la qualité de la "nature extérieure" permettant de renforcer et de promouvoir le développement de la "nature intérieure" de l'homme est limitée. Nous en savons plus sur les qualités nécessaires à l'environnement humain pendant les premières années de la vie, par exemple, sur l'importance de la présence de personnes de référence fiables. Il ne fait aucun doute que l'homme, en tant qu'"être naturel", est écologiquement et évolutivement intégré dans la nature. Sur la base de ce lien écologique fondamental, nous avançons ici la thèse selon laquelle l'homme "a besoin" de la "nature" à d'autres égards aussi comme espace d'expérience et comme "instance de sens".

Thèses centrales

  1. La "valeur psychologique" de la nature réside, entre autres, dans son double caractère : elle véhicule l'expérience de la continuité et donc de la sécurité, et en même temps elle est toujours nouvelle. Les expériences de la nature correspondent donc au désir fondamental de familiarité et en même temps au besoin tout aussi fondamental de nouveauté et de diversité.
  2. Les enfants apprécient les zones les plus "oubliées" par les urbanistes, les espaces en friche.
  3. La seule expérience "pure" de la nature ne suffit pas. Il doit aussi exister un environnement socialement stimulant.
  4. L'importance des friches industrielles : une valeur essentielle de l'expérience de la nature est la liberté qu'elle peut permettre de vivre.
  5. L'effet de la nature se produit fortuitement. L'espace naturel est vécu comme un espace significatif, dans lequel on satisfait ses propres besoins, où l'on peut laisser vagabonder ses propres rêves. L'espace naturel acquiert ainsi un sens personnel.
  6. Par les interprétations animistes-anthropomorphes de la nature propre à chacun, les expériences de la nature deviennent subjectivement significatives et donc un élément du développement identitaire.
  7. Les expériences de la nature ont une influence positive sur la santé et le bien-être.
  8. La "Nature" est un stock de symboles qui est à notre disposition pour des interprétations personnelles et universelles.
  9. Il existe un lien entre les expériences naturelles positives et les attitudes respectueuses de l'environnement. Les expériences de la nature, choisies par soi-même et librement, peuvent d’une certaine manière s'avérer plus efficaces pour des attitudes respectueuses de l'environnement.
  10. Notre relation à la nature semble être façonnée par des expériences et des intuitions positives plutôt que par des arguments rationnels. En ce sens, il est logique de redonner une vraie place à l'expérience et à l’intuition concernant la conscience de la nature.

Kind und Natur Die Bedeutung der Natur für die psychische Entwicklung.

VS-Springer, Wiesbaden 2013 (4. Auflage)

Plutôt qu'un compte rendu linéaire reprenant les uns après les autres les propos des différents intervenants, il nous semble plus pertinent d'essayer de dégager les idées transversales qui, de notre point de vue, sont susceptibles de nourrir la réflexion sur la thématique de la soirée.

1. Les bienfaits de la nature sur la santé des enfants sont incontestables.
2. Il importe de permettre à l'enfant la plus grande liberté possible dans son expérience de la nature.
3. L'anthropomorphisation de la nature par l'enfant va de pair avec une relation affective avec la nature, que celle-ci soit animale ou végétale.
4. Faire l'expérience de la nature c'est aussi faire l'expérience à la fois de la permanence et de la nouveauté.
5. La nature constitue une immense réserve de symboles à la disposition des enfants.
6. De la même façon, l'expérience de la nature est une source inépuisable d'émotions.
7. L'expérience de la nature est bénéfique pour l'attention et la concentration.
8. L'expérience de la nature participe grandement à la construction de soi et au développement de l'autonomie.
9. L'expérience directe de la nature induit la conscience de la protection de la nature et de l'environnement, hors de toute considération morale et de tout discours prescriptif.
10. La relation entre expérience de la nature et apprentissages pose la question de l'articulation entre deux registres :

  • celui de l'expérience, qui est de l'ordre du sensible, de l'affectif, de l'intuitif ;
  • celui de l'élaboration de la connaissance, qui est de l'ordre du réflexif, du rationnel.

 

Loin d'avoir épuisé le sujet, cette rencontre-débat permet de poser d'autres questions, d'ouvrir d'autres portes sur la place de la nature dans l'éducation des enfants aujourd'hui. On peut commencer à en lister quelques-unes, issues notamment de plusieurs interventions du public et de retours réflexifs.

  1. Les différentes interventions ont surtout privilégié les retombées psychologiques de la relation à la nature dans le développement de l'enfant ; d'autres aspects, comme la dimension cognitive mériteraient d'être développés.
  1. La notion même de Nature ne va pas de soi : on pourrait même dire qu'il n'y a rien de moins "naturel" que la notion de Nature, tant elle recouvre des réalités très variées. Il en va de même avec les différents types de rapport à la Nature (et avec les valeurs sous-jacentes).
  1. La nature ouvre sur l'environnement et, au-delà, sur les grands défis de notre temps que sont l'urgence climatique, la diminution de la biodiversité : comment envisager une éducation à l'éco-citoyenneté ?
  1. On imagine aisément que l'espace-temps de la relation à la nature est une donnée importante dans l'impact de la nature sur le développement de l'enfant : celui de la fréquentation d'un parc en ville n'est sans doute pas le même que celui de la découverte de la nature sauvage ; de même, celui d'une expérience ponctuelle est sans doute bien différent de celui d'activités régulières ou inscrites dans la durée.
  1. Les pratiques évoquées dans la table ronde étaient toutes extra-scolaires ; les échanges avec le public ont montré qu'il existe aussi, dans l'École, des pratiques pédagogiques fort intéressantes de mise en relation des enfants avec la nature.
  1. D'une façon générale, comment envisager la question de l'articulation entre les deux mondes et les deux types d'expérience que sont la nature et l'école :
  • faire entrer la nature dans la classe, avec des risques de scolarisation des savoirs ?
  • faire l'école dans la nature, avec la perspective de remise en cause de la forme scolaire ?

 

À suivre dans les programmes à venir des activités de la MPM et de ses partenaires…

 

Jean-Pierre Bourreau (Membre du Comité d'animation de la MPM)