"Quand une équipe d'enseignants Freinet remet une école debout"

 

 

Rencontre-débat

Mardi 13 novembre 2018 à 18 h 30 au Carré des Associations, 100 avenue de Colmar à Mulhouse.
Entrée libre et gratuite.

Aller à l'école pour apprendre et réussir

À la fin des années 1990, dans une banlieue de Lille : un groupe scolaire faisant partie d'un Réseau d'Education prioritaire est confronté à l'échec massif de ses élèves ainsi qu'à la dégradation du climat scolaire. A la rentrée de septembre 2001, après de multiples négociations, une nouvelle équipe d'enseignants prend en charge l'ensemble de l'école pour y mettre en œuvre la pédagogie Freinet. Le travail de cette équipe est suivi par une équipe d'enseignants-chercheurs en sciences de l'éducation. Cinq ans plus tard, l'établissement est méconnaissable : le climat scolaire est apaisé et les élèves viennent à l'école pour apprendre et réussir. Et cela continue aujourd'hui… Comment un tel renversement de situation a-t-il été possible ? Une telle expérience est-elle transférable, en totalité ou en partie, dans d'autres établissements scolaires ?

C'est pour témoigner de cette expérience riche d'enseignements que la MPM, NovaTris, l'ICEM68 et l'OCCE68 ont fait appel à deux acteurs de cette belle aventure pédagogique :

  • Sylvain HANNEBIQUE, co-fondateur de la structure et directeur (de 2001 à 2011) du groupe scolaire Concorde de Mons-en-Barœul ;
  • Yves REUTER, professeur émérite en Sciences de l'éducation à l'université de Lille, fondateur et ancien directeur du laboratoire Théodile et coordonnateur de la recherche.

Bibliographie

Ouvrage de référence • REUTER Yves (dir.). Une école Freinet. Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire, L’Harmattan, 2007

Intervenants : Sylvain Hannebique et Yves Reuter

 

Parmi les participants, Roger Fromageat, 96 ans,
ancien praticien Freinet

Trace

"Ils en rêvaient… Ils l'ont fait !..."

"Ils" : un groupe d'enseignants Freinet du Nord, qui rêvaient de travailler ensemble dans une école intégralement Freinet, de façon à pouvoir développer au maximum les potentialités de cette pédagogie.

Où ? Dans un groupe scolaire en très grande difficulté, dans un réseau REP d'une banlieue de Lille à Mons-en-Barœul. Ce groupe était passé de 20 à 9 classes (4 maternelles et 5 primaires), dans les années 1990, et risquait de perdre encore une classe à la rentrée de septembre 2001. Il y régnait une violence endémique : les jeunes du quartier venaient en scooter dans la cour de l'école pour racketter les élèves. La situation était explosive et les résultats scolaires catastrophiques ! Il était question de fermer cet établissement.

Quand ? Autour de l'an 2000, le contexte institutionnel a facilité la mise en place d’une expérimentation radicale. Au plan national, le climat politique était à l'ouverture aux innovations pédagogiques. Au plan local, l'inspecteur de la circonscription dans laquelle est située l'école (ex-enseignant Freinet) a défendu et porté le projet auprès de l'inspecteur d'académie, des syndicats…

Comment ? Après moultes démarches et négociations, une équipe de dix enseignants Freinet qui se sont cooptés, est nommée dans l'école primaire de Mons-en-Barœul à la rentrée de septembre 2001. Sylvain Hannebique en prend la direction. La condition posée par l’institution : que l’expérience soit suivie, observée, évaluée selon un protocole de recherche : onze enseignants-chercheurs (de l'université de Lille dont Yves Reuter) vont suivre cette expérience durant 5 ans.

C’est un grand défi pour l’équipe enseignante qui doit "montrer que ça marche" ! Il s’agit de mettre en place un travail émancipateur. C’est le cœur du projet. "L’enfant ne pose pas ses valises, il vient avec".

Un fil conducteur pour mener ce travail : oser – comprendre – chercher – partager

La pédagogie Freinet à l'œuvre à l'échelle d'un établissement

par Sylvain Hannebique

(professeur des écoles et directeur du groupe scolaire Concorde de Mons-en-Barœul de 2001 à 2011)

Relever le défi de la prise en charge collective de la difficulté scolaire

Avant de se lancer dans l'aventure, l'équipe s'est entourée d'un certain nombre de précautions. Les enseignants ont d'abord tenu à inscrire leur action dans la durée et se sont collectivement engagés à travailler ensemble pendant au moins 5 ans. Ils ont à tenu à fonctionner dans le cadre de l'Éducation nationale, sans moyens supplémentaires (autres que ceux relevant de l'appartenance à un réseau d'éducation prioritaire). Par ailleurs, les enseignants se sont engagés à mettre en œuvre les évaluations nationales.

 

 

L’équipe a accordé une attention toute particulière au démarrage de l'expérience : c'est ainsi qu'ont été décidées la fermeture et la sécurisation de l'école pour supprimer les intrusions venues de l'extérieur.

Puis, l'équipe décide de l’entrée par le travail qui est remis au centre de la classe. Sylvain Hannebique insiste sur le fait que les élèves sont mis dans des conditions favorables aux apprentissages. Pour cela, l’accent est mis sur la modification de la nature du travail. L’équipe fait le choix de miser sur le processus d’apprentissage plutôt que sur les procédures qui sont certes importantes, mais de manière secondaire et essentiellement en termes de cadres et d’outils. Le pari est fait que ce choix pédagogique va permettre de régler les problèmes de violence et de comportement.

Il s’agit aussi de tout mettre en œuvre pour que l’expression libre soit possible. Dès le premier jour, les enfants vont écrire un texte libre et réaliser une création mathématique. Le texte libre et la libre recherche mathématique deviennent des pratiques quotidiennes. Et ça marche ! Les enseignants sont eux-mêmes surpris par l’engouement des enfants pour le "Quoi de Neuf ?" au quotidien. Un enfant qui vit ou produit quelque chose a envie de le présenter à ses pairs. À partir de là, les enseignants proposent des exploitations, des prolongements qui entraînent les élèves dans une spirale vertueuse de travail, d’étude et de projets.

L’école rouvrira ses portes selon les modalités mises en place par la nouvelle équipe, notamment grâce à l’école des parents et à la présentation des réussites des enfants dans les classes : chaque samedi matin, pendant une heure, de 10 h 30 à 11 h 30, les enfants des différentes classes invitent les parents pour leur présenter leurs "réussites". Les parents sont fiers de leurs enfants, ils reprennent confiance en l’école et les enfants aussi ! Le processus vertueux s'amplifie.

Donner toute leur place aux élèves

L’école définit les lois, qui sont les mêmes pour tous et les classes élaborent les règles en fonction des besoins propres à chaque groupe. Celles-ci sont proposées, discutées et peuvent être modifiées au cours du conseil de vie de la classe.

Selon Sylvain Hannebique, le conseil est un moment où les élèves font une pause pour réfléchir au fonctionnement de la classe, pour qu'on puisse mieux apprendre, pour qu'on puisse choisir des contenus, résoudre les problèmes de la classe… tout ce qui permet de mieux travailler. On fait une réunion et on dit : Bon, ben voilà : qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui m'a empêché de travailler ?... Tout peut être décidé au conseil. De régler un problème de gomme ou de décider d'un projet de classe. C'est un endroit où se votent les règles de fonctionnement, où se règlent les conflits, tout ce qui fait qu'on va pouvoir travailler mieux dans la classe, seul et avec les autres.

Le travail doit se mettre en place dans le calme et l’apaisement. Le silence est imposé autoritairement jusqu’à ce que les enfants sachent chuchoter et comprendre tout naturellement qu’ils ne peuvent pas se déplacer, travailler, réfléchir, se concentrer dans le bruit et l’agitation. Les comportements évoluent très rapidement en raison de l’intérêt du travail dont les enfants sont auteurs. Il y a une réelle modification de la nature du travail. L’évolution du climat scolaire est incontournable pour l’accès à l’autonomie.

La notion d’auteur prend toute son importance. À travers le texte libre, les créations mathématiques, artistiques ou musicales, la correspondance, les présentations, les exposés, chaque enfant devient auteur et non seulement acteur.

Sylvain Hannebique insiste beaucoup sur la notion de "Puissance de vie". La méthode naturelle a toute sa place dans tous les apprentissages.

Une interaction permanente se joue entre les recherches individuelles et le travail collectif conçu comme pause structurante nécessaire. Au début de l’expérience, après la lecture d’un texte libre par un enfant, la seule intervention orale permise est : "voici ce que j’aime bien dans ton texte… ". Puis, progressivement, l’exigence monte et des procédures permettant un travail approfondi sur la langue sont mises en place.

La coopération dans les apprentissages est développée. Ce choix pédagogique qui s’appuie sur la production de différentes choses (le journal, une exposition une pièce de théâtre…) est en corrélation avec l’essence même de la pédagogie Freinet telle que Freinet l’a pensée.

Par ces pratiques, chaque classe se constitue, petit à petit, un patrimoine culturel commun, sur lequel les enfants et l’enseignant peuvent s’appuyer. Ils bâtissent des références communes.

La communication avec l’extérieur se fait à travers le blog, le journal scolaire et les heures des parents.

Très vite, l’agressivité et la violence reculent. Les enfants ont envie de faire des choses. Dès lors, "ça vaut le coup" pour eux de respecter les règles qui prennent tout leur sens puisqu’elles leur permettent de vivre et de travailler ensemble dans les meilleures conditions possibles.

À Mons-en- Barœul, on accueille l’élève et l’enfant.

 

 

L'évaluation des effets de la pédagogie Freinet par la recherche

par Yves Reuter

(professeur émérite en sciences de l'éducation à l'université Charles de Gaulle de Lille, directeur du laboratoire Théodile et coordonnateur de la recherche)

La rigueur de la recherche universitaire

Dès le début, les enseignants ont eu le souci d'un suivi et d'une évaluation rigoureuse des effets de leur action pédagogique. Ils se sont donc adressés à Yves Reuter pour mettre en place une recherche dont les caractéristiques ont été les suivantes :

  • il s'est agi d'une recherche collective rassemblant 11 enseignants-chercheurs d'horizons disciplinaires variés, de façon à "croiser les regards" ;
  • comme l'expérience pédagogique elle-même, la recherche s'est déroulée dans la durée (sur 5 ans également) ;
  • toutes les garanties de la recherche scientifique ont été réunies : outre les démarches et les outils de la recherche en sciences sociales et l'indépendance du laboratoire de recherche à l'égard de tout pouvoir, l'équipe de recherche s'est par exemple interdit tout retour vers les enseignants des observations effectuées pendant les deux premières années pour ne pas influer sur leurs pratiques et les amener à les modifier en cours de route ;
  • la recherche a pris en compte une multiplicité de dimensions : les chercheurs doivent évaluer les relations multiples entre enseignants et parents, entre enseignants, entre enseignants et élèves…
  • c'est également une recherche comparative : comparaison avec les résultats des élèves d’autres écoles (de Mons-en- Baroeul mais aussi de quartiers favorisés de Lille et d’autres régions de France) mettant en œuvre d’autres pédagogies (traditionnelle et frontale) ou d’autres pédagogies alternatives (ils ont eu des difficultés à en trouver !).

Une telle recherche revêt un caractère tout à fait exceptionnel et confère aux résultats de l'expérience de l'école Freinet de Mons-en-Barœul une crédibilité sans doute unique dans l'évaluation des effets d'une pédagogie alternative.

La pédagogie Freinet sous la loupe des chercheurs

La recherche a pour objet de saisir les logiques de fonctionnement des uns et des autres. Les chercheurs ont essayé de comprendre quels sont les leviers communs aux différents maitres afin de parvenir à définir "ce qui marche ".

Les principes de fonctionnement observés et analysés

La pédagogie Freinet mise en œuvre s’appuie sur trois principes fondamentaux :

  • la centration sur les apprentissages : le travail a des effets positifs ;
  • le pari de l’éducabilité : tout enfant est éducable et peut être amené à progresser si on le prend là où il est et qu’on l’accompagne de manière personnalisée ;
  • le milieu : quand le milieu scolaire lui est favorable, c’est l’élève qui apprend et lui seul ; le cheminement et le rythme sont différents d’un enfant à l’autre.

Le rôle de l’enseignant est de construire les conditions favorables à l’apprentissage. Les enseignants assument par anticipation les échecs éventuels et sont prêts à se remettre en question. Ils se réunissent régulièrement, exposent leurs problèmes, collaborent pour trouver des solutions.

L’école est repensée pour devenir un milieu favorable aux apprentissages qui permet :

  • la construction de l’apprenant : on n’oppose pas l’élève à l’enfant ;
  • l’importance du questionnement des élèves : on répond aux questions que se posent les enfants ;
  • la sécurisation : on évite toute violence et toute crainte. Les enfants doivent être assurés d’être acceptés tels qu’ils sont ;
  • l’articulation entre travail collectif et travail individuel : travaux personnels de recherche, de création, exercices d’entraînement sur fichiers mais aussi des temps de mise en commun, de construction et des projets de classe (correspondance, journal…) ;
  • la clarté des statuts et du fonctionnement : chacun peut bouger, se déplacer, parler, dans le calme et le respect des règles ;
  • les conditions de l'appropriation des savoirs : le droit à l’erreur, l’évaluation formatrice, la diversité des rôles de chacun, le "faire" et la réflexion sur le "faire".

La centration sur les apprentissages de chaque classe et de l’école. Les enfants retrouvent le goût d’apprendre par :

  • le travail : il entraîne la paix scolaire et non l’inverse ;
  • la production : le travail débouche le plus souvent possible sur une production valorisante ;
  • le faire réflexif : les enfants apprennent avec et grâce aux autres ;
  • la diversité des dispositifs et des rôles ;
  • la vie démocratique : les élèves apprennent mieux quand ils ont du pouvoir sur leur vie ;
  • la culture commune qui se construit progressivement à travers les projets de recherche ;
  • la relation avec le monde extérieur : les enfants parlent à l’extérieur de l’école, dans leur famille de ce qu’ils font à l’école.

La part de l’enseignant est primordiale :

  • il rend possible la vie démocratique de la classe dont il est le garant, par les dispositifs mis en place : conseil, responsabilisations, gestion coopérative de la classe…
  • il pense et organise l’enseignement au service des apprentissages ;
  • il porte une attention très fine au cheminement des élèves et gère les intérêts des uns et des autres ; il guide, il étaye les apprentissages en permettant la construction de l’autonomie des élèves ;
  • il construit le travail collectif de la classe autour d’un projet ;
  • il est un homme-orchestre et un équilibriste : il veille à la gestion des tensions, au respect du cheminement individuel et en même temps à l’esprit collectif ;
  • il est un modèle ; il est un citoyen scolaire ; il porte une attention constante et fine au cheminement de l’école.

Après cinq ans, les résultats de l'expérimentation

a) au niveau des résultats scolaires

L'école s’est remise debout : les résultats le montrent clairement. L’école s’est toujours soumise rigoureusement aux évaluations nationales proposées tout en mettant en place ses propres évaluations. Les apprentissages disciplinaires progressent et égalent sur certains points ceux des classes  "témoins" des écoles des quartiers favorisés de Lille.

b) au niveau du comportement des élèves

La pédagogie Freinet a des effets intéressants sur le rapport à la violence des élèves qui se modifie. Ils deviennent attentifs et comprennent notamment certains aspects de la violence qu’ils n’entrevoyaient pas avant : violence des paroles, des petits gestes... Le climat scolaire s’améliore nettement. La pratique du texte libre, de la liberté dans la création artistique a des effets positifs sur les élèves en grande souffrance (à cause de leur vie personnelle) : ils vivent mieux l’école et reprennent confiance en eux. Les élèves apprennent aussi à s’auto-évaluer de manière de plus en plus fine. Grâce au statut de l’erreur qui est dédramatisée et qui permet les apprentissages, ils deviennent capables d’argumenter et d’approfondir leur réflexion.

Les effets positifs de la pédagogie Freinet sont démultipliés dès le moment où les enfants ayant bénéficié de cette pédagogie en maternelle arrivent à l’école primaire.

À l’entrée au collège, on note qu’ils ont davantage d’autonomie et de capacités réflexives. Ils sont curieux et montrent une bonne capacité d’organisation. Ils sont toutefois surpris de ne pas être consultés par leurs professeurs. Les élèves en difficulté sont intégrés, ils n’ont plus besoin, ou beaucoup moins, d’externalisation de l’aide.

c) au niveau des enseignants

Ils ont acquis de nouvelles compétences grâce à la réflexion permanente sur leur travail, aux échanges entre eux, aux relations établies avec les élèves et les familles, et également avec les chercheurs après les deux ou trois ans de non collaboration.

d) au niveau du personnel non enseignant : il note le respect des élèves à son égard.

e) au niveau des parents d’élèves 

Ils se sont bien impliqués. Ils participent à des ateliers d’échanges de savoirs. Ils s’intéressent aux réussites des enfants.

e) au niveau du quartier

La vie du quartier est apaisée, au-delà des murs de l’école. Aussi, le maire de Mons-en Baroeul est-il devenu un défenseur convaincu de la pédagogie Freinet, n’hésitant pas à s’engager pour assurer la poursuite de "l’expérience ".

f) au niveau des autres écoles

Des comparaisons de résultats se font par le biais des évaluations nationales. On parle beaucoup de cette école. Cela interpelle les autres. Elles veulent, en quelque sorte, soutenir la concurrence, donc elles se mobilisent au bénéfice de leurs élèves.

Le bilan global est très positif. Il montre que la pédagogie Freinet est possible dans tous les milieux, elle fonctionne dans les écoles urbaines en milieu défavorisé, sans dotation particulière. Preuve est faite que la pédagogie Freinet n’est pas une pédagogie du passé, des campagnes ou des "riches".

Yves Reuter explique qu’il était tellement surpris par certains résultats qu’il a demandé à ses collègues de les vérifier !

 

Et au-delà de l'expérimentation ?

La question de la pérennité de l'expérience (qui n'en est plus tout à fait une après 18 ans d'existence)

L'école fonctionne toujours intégralement en pédagogie Freinet, avec un renouvellement continu des membres de l'équipe et l'intégration d'enseignants qui découvrent cette pédagogie.

L'école primaire a essaimé en direction du collège de secteur, avec la mise en place d'une "filière" Freinet (une classe Freinet par niveau, de la 6e à la 3e) ; c'est maintenant un lycée voisin qui dispose d'une classe de 2nde Freinet et s'apprête à prolonger avec une classe de 1ère.

Afin de conserver un public aussi proche que possible de celui du début de l'expérience et de préserver les liens avec le quartier, l'équipe a décidé de ne pas accepter plus de 10 % d'élèves hors secteur de l'école.

La question de la transférabilité de l'expérience

Il faut déjà distinguer ce qui est possible de ce qui est souhaitable. Ce qui est important, c’est de changer le regard du maître.

On peut transférer les composantes (les outils) tels que le "Quoi de neuf ?", le conseil, le texte libre. Ce sont des leviers importants qui permettent aux enseignants de changer de point de vue, de s’étonner et de découvrir ce dont sont capables leurs élèves. Mais selon le contexte, ces composantes de la pédagogie Freinet n’ont pas les effets escomptés. Pour qu’elles ne soient pas vidées de leur sens, ces techniques doivent être articulées à l’ensemble du système qui leur confère une cohérence.

La transférabilité du système s’avère bien plus compliquée. La pédagogie Freinet est une pédagogie de l’exigence qui demande un grand investissement de la part des enseignants.

Il en va de la formation des maîtres. Il faut que les enseignants "croient" en cette pédagogie. Leur conviction doit s’appuyer sur une analyse de la fonction politique et sociale de l’École. Une généralisation rapide sans prise en compte suffisante des fondements de la pédagogie Freinet pourrait s’avérer très problématique.

La question de la diffusion des résultats de la recherche

Yves Reuter a parfois été consulté par les autorités de l'Education nationale ; mais le rapport de recherche n'a pas donné lieu à diffusion.

La seule publication des résultats de la recherche est l'ouvrage collectif Une école Freinet. Fonctionnement et effets d'une pédagogie alternative en milieu populaire, dirigé par Yves Reuter et publié en 2007 aux Editions de L'Harmattan ;

Une mise en garde d’Yves Reuter nous encourage à faire nous-mêmes preuve de pédagogie : "Attention à ne pas heurter les enseignants ! Il faut rester d’une grande prudence dans ce domaine. Chaque fois qu’on essaie de répandre quelque chose dans le domaine pédagogique ça a des contre-effets."

Cerise sur le gâteau (ou amandes sur le kougelhopf ?)

À la fin de l'intervention, une personne se lève dans le public et demande la parole : "J'ai 96 ans. J'ai vu l'annonce de cette soirée dans le journal de ce matin. Je suis le fondateur de l'école Freinet de Wittenheim au lendemain de la 2nde Guerre mondiale. Stupéfaction dans la salle. Quelqu'un demande son nom à ce pionnier de la PF à Mulhouse. "Je m'appelle Fromageat, et je suis prêt à venir parler de cette école et de notre expérience".

 

Pour poursuivre les échanges et la réflexion…

  • avec l'ICEM68 (surtout pour le 1er degré)…
  • avec la MPM…
  • ailleurs, autrement…

Jean-Pierre Bourreau et Michèle Sanchez, membres du CA de la MPM

Claudine Braun, ICEM68 et membre de la MPM

Annie de Larochelambert, membre du CA de la MPM et présidente de l'ICEM68

À noter le récent ouvrage Dictionnaire de la pédagogie Freinet (Préface de Jean Houssaye) sous la direction de Martine Boncourt et de Catherine Mazurie (auquel a participé Sylvain Hannebique), ESF Sciences Humaines, 2018.

On peut aussi consulter le site de l'ICEM qui présente les différents outils et techniques de la pédagogie Freinet dont il est fait mention dans cette trace : www.icem-pedagogie-freinet.org