A la rencontre des grands pédagogues : la place des parents dans l'école...
Comment être vraiment partenaires pour la réussite des enfants et pour leur épanouissement ?

 

 

Rencontre PDF

Lundi 30 janvier 2023 de 18 h 30 à 20 h 30, Maison des Associations de BOURTZWILLER, 62 route de Bourtzwiller ou à distance sur demande.

Pas de « tête d’affiche » pour cette 1ère Rencontre de l’année 2023, mais une préoccupation commune aux enseignants, aux parents, aux animateurs d’activités périscolaires….


Un sujet que nous avons déjà abordé avec le philosophe Alain le 4 avril dernier (voir trace sur le site), mais qui mérite d’être revisité en prenant en compte les interrogations actuelles sur la place des parents dans l’école.


Pour cela, nous partirons de témoignages d’acteurs de terrain préalablement transmis à l’adresse mail de la MPM avant le 10 janvier.

Entre réussites et difficultés rencontrées, les échanges entre participants permettront ensuite de prendre la mesure des enjeux des relations entre l’école et les familles pour le devenir des enfants et des jeunes.


À bientôt, avec les meilleurs vœux de la MPM pour la poursuite de nos rencontres et de nos échanges.

 

Animation

Rencontre animée par Jean-Pierre Bourreau à la Maison des Associations de Bourtzwiller 62 rue de Soultz ou à distance sur demande.

 

Trace de la rencontre

La place des parents dans l’école…
Comment être vraiment partenaires pour la réussite
des enfants et pour leur épanouissement ?

 

Deux textes ont été préalablement proposés au groupe :

  • Agathe nous propose un texte qui prend appui sur des textes officiels de l’Éducation Nationale.
  • Jean-Marie nous parle de sa pratique d’enseignant et de ses réflexions autour de la thématique des parents. Il reprend des situations de travail entre les parents et l’enseignant.

 

Approche thématisée de nos échanges

Les échanges ont été nombreux et denses dans la soirée sans suivre un ordre bien établi. Le choix est fait ici de créer des sous-thèmes pour reprendre les éléments les plus marquants en espérant ne pas paraphraser ou modifier le sens que chaque locuteur a voulu donner à sa prise de parole.

  1. De nombreuses questions soulevées

Tout au long des échanges, des questions ont été soulevées. Voici un recueil de celles-ci :

  • quelle place est-on réellement prêt à accorder aux parents ?
  • quelle place suis-je réellement prêt(e) à leur accorder ?
  • quelle attitude de l’enseignant envers le parent est présente dans son positionnement et ses paroles ?
  • pourquoi les enfants ne souhaitent-ils pas voir entrer leurs parents en classe ? Est-ce pour éviter que les parents voient leur mauvais comportement ?
  • en quoi cette relation (sous-entendu parents-enfants) va-t-elle permettre la réussite de l’élève au sens très large, et son développement ?
  • quand l’institution ne le propose pas, comment faire pour être dans cette relation parent/enseignant ?
  • sur le temps de l’enseignant : quand a-t-il le temps (sous-entendu de créer du lien avec les parents) ? Avec quels moyens peut-on arriver à être disponible ou à augmenter un peu cette disponibilité ?
  • à propos de la perception par l’enfant de l’implication de son parent : comment ce dernier voit-il sa place d’enfant dans l’école ?
  • comment créer du lien ? Comment ne pas briser du lien qui existe déjà ?
  • ça veut dire quoi, accompagner son enfant dans sa réussite à l’école ?

 

  1. Des regards sur les textes proposés :
    • Il semble évident que même si une série de textes met en avant l’importance de la relation parent/enseignant, ceux-ci ne se suffisent pas à eux-mêmes et d’autres éléments entrent en ligne de compte pour que cette relation puisse exister.
    • un point frappant à la lecture des deux textes : dans celui d’Agathe, quand on parle des parents, c’est essentiellement en cas de difficultés et de conflits, ce que l’on ne perçoit pas dans celui de Jean-Marie qui reprend plutôt un aspect relationnel. En quoi cette relation va-telle permettre de réussir, au sens très large, et de se développer ?

 

  1. Prendre appui sur l’équipe d’enseignants pour construire une relation durable et équilibrée

Dans le cadre d’une école, l’ensemble des enseignants a travaillé en équipe pour discuter de la place donnée aux parents. Ces discussions ont donné lieu à un contrat de partenariat. Des réunions ont été organisées, d’abord entre enseignants puis ensuite avec les enfants. Cette réunion permettait de formuler les attentes de la classe et les attentes des parents. Il fallait pour cela s’ouvrir à la participation des parents. L’enseignante accueillait les parents en fin de journée et recueillait ce qu’ils avaient à dire. Elle faisait attention à ne pas convoquer les parents pour leur faire des remontrances. C’est le conseil (au sens où l’entendait Freinet) qui occupait la fonction de régulation des comportements. Pour comprendre les enfants, il est important que les parents puissent se réconcilier avec l’école. Tout comme il est important que les problèmes soient réglés dans la classe dans le cadre du conseil, une des règles étant que ce qui se dit reste interne à la classe.

On évoque aussi le cas où une place était donnée à la famille, dans un sens plus large, dans le cadre d’après-midis décloisonnés où des grands-parents intervenaient autour de jeux de mathématiques et de logique. Ce décloisonnement s’appuyait aussi sur le fait que tous les enseignants avaient la même visée afin de permettre à chaque parent de partager son savoir-faire. Suite à cela, de nombreux projets pouvaient s’organiser avec les parents, en s’appuyant sur leurs compétences. Les parents restaient dans leur rôle et l’enseignant dans le sien.

 

  1. Du référentiel de l’enseignant au temps imparti

Le référentiel du métier d’enseignant est disponible à cette adresse :

https://www.education.gouv.fr/le-referentiel-de-competences-des-metiers-du-professorat-et-de-leducation-5753. « La liste des compétences que les professeurs, professeurs documentalistes et conseillers principaux d'éducation doivent maîtriser pour l'exercice de leur métier est publiée au Bulletin officiel du 25 juillet 2013. »

Voici un extrait du référentiel où il est question des parents d’élèves :

« Les professeurs et les personnels d'éducation sont acteurs de la communauté éducative pour :

  • coopérer au sein d'une équipe
  • contribuer à l'action de la communauté éducative
  • coopérer avec les parents d'élèves
  • coopérer avec les partenaires de l'école
  • s'engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel »

Au-delà de ces compétences, la question est de savoir dans quel espace-temps c’est possible et avec quels moyens.

L’école est un univers compliqué pour les parents et complexe pour les enfants. Instaurer une relation de confiance n’est pas évident, pas davantage que n’est évidents la place des parents ou celle de l’enseignant. Il faut passer par des actes qui se répètent tout doucement, dès le début des rencontres et qui permettent aux individus de se connaître, de comprendre comment fonctionne l’école ; les parents ne peuvent pas se substituer aux enseignants. Si la relation de confiance n’est pas établie entre les différents acteurs, cela ne peut pas fonctionner. C’est moins une question de moyens supplémentaires que de modalités de travail, telles que le travail en équipe.

Il y a une injonction pour que l’enseignant soit ouvert aux explications et y consacre le temps que cela suppose. Cette injonction est à interroger. Certains enseignants font le choix de se rendre disponibles et de le dire aux parents mais il est compréhensible que d’autres enseignants ne le souhaitent pas. Il s’agit d’un choix personnel. Une fois encore, quels moyens peut-on trouver pour augmenter sa disponibilité ?

Il fut un temps où les élèves de primaire et de maternelle avaient classe le samedi et les parents étaient  alors souvent plus disponibles, plus mobilisables qu’en semaine. Les enseignants se sont souvent appuyés sur ce moment pour faire entrer les parents dans l’école.

 

  1. Soustraire l’enfant à sa famille

L’école n’est pas la famille. Au début de l’instauration de l’école républicaine, l’école était construite contre les familles, et en particulier contre la religion : on souhaitait soustraire les enfants à l’emprise familiale.

 

  1. Faire entrer le parent dans l’école : et si l’enseignant ou l’enfant ne semble pas le souhaiter ?

Il est à noter qu’aucun parent ne semble avoir refusé de venir en classe lorsqu’un enseignant lui en faisait la demande.

Il est question d’une classe de CM2 où les parents ont apprécié de venir en classe : ils souhaitaient pouvoir le faire au collège aussi. Les enseignants présents ne le souhaitaient pas craignant que les parents critiquent leur enseignement. Les enfants peuvent apprécier aussi que l’école soit un vase clos car l’éloignement facilite une forme d’autonomie.

Pourquoi les enfants ne souhaitent-ils pas que leurs parents viennent à l’école ?

  • pour éviter les doubles peines lorsque les parents verront leur mauvais comportement.
  • pour pouvoir faire des bêtises.
  • parce qu’ils n’ont pas forcément envie qu’on s’immisce dans leur vie scolaire. « L’école et les copines, c’est un univers personnel auquel [mes] petites-filles tiennent. Elles n’ont pas envie que les parents viennent mettre leur nez dedans. »

Il conviendrait toutefois de dialoguer avec les enfants et les jeunes plus longuement pour pouvoir éclaircir cette question : comment voient-ils leur place d’enfant dans l’école ? Il est important aussi de ne pas briser le lien ; l’enfant doit pouvoir comprendre que l’adulte est dans une posture d’accompagnement de ses réussites.

À noter que l’institution s’intéresse aux parents surtout lorsqu’il y a des difficultés avec les élèves. Il serait important que les enseignants soient perçus autrement et que les parents ne craignent pas d’entrer en dialogue.

 

  1. Reconnaître le parent

Accueillir le parent et « tricoter » une relation avec lui, c’est le reconnaitre. C’est, par exemple, être présent à l’accueil, à la barrière, le matin et le soir, pour pouvoir échanger. C’est montrer une attention autre envers les personnes accueillies. C’est accueillir les personnes que sont les parents. C’est rencontrer des individualités au-delà du rôle et de la fonction. C’est réfléchir à la place du parent au sein de l’école en lui accordant sa place, en reconnaissant son rôle entier dans l’éducation de son enfant. C’est, sans forcément pratiquer la même langue, reconnaître la personne en tant que personne à travers le regard et au-delà de la fonction.

La COVID a été un frein à cet accueil du parent qui doit rester à l’entrée de la cour et qui ne vit plus d’évènements au sein de l’école avec son enfant (fête d’école…) Les jeux de société pourraient être une entrée pour les familles au sein de l’école. Derrière le jeu, nous sommes tous à égalité, nous vivons les mêmes règles.

« La relation dépend de la relation que l’on décide, que l’on donne »

 

  1. Parents répétiteurs ou accompagnateurs ?

Dans la rubrique « neuroscience », nous revenons sur l’intervention de Patrick Rayou auprès du collectif du « quart lieu apprenant » de Bourtzwiller, notamment sur la question des devoirs à la maison : ce n’est pas au parent d’être le répétiteur de l’enfant. L’accompagnement est ailleurs et soulève la question : « Ça veut dire quoi, accompagner son enfant dans sa réussite à l’école ? »

On ne peut pas juste dire aux parents de ne pas aider les enfants à faire leurs devoirs. Dans le cadre de l’accompagnement personnalisé, de manière tout à fait normale et habituelle, le parent peut demander : « Qu’as-tu appris aujourd’hui à l’école ? » Rien que d’être capable de nommer les apprentissages de la journée permet à l’enfant de réinvestir ses apprentissages. 

À noter que les devoirs écrits sont interdits à l’école primaire et qu’apprendre une leçon ce n’est pas juste la lire. Il faut outiller l’enfant autour de la question : « Comment se met-on au travail ? » pour qu’il puisse travailler en dehors de l’école.

Il faut aider les parents à se réconcilier avec l’école et ne pas attendre d’eux qu’ils accompagnent leurs enfants dans des apprentissages qu’ils n’ont pas pu construire avec leur groupe classe. Il y a une réflexion à construire autour de la notion de leçon et de devoir. Les enfants doivent clairement savoir ce qu’ils doivent faire (et ne pas faire) dans le cadre de leurs devoirs. Il convient aussi de créer des conditions pour que l’enfant ait un temps pour se remémorer certaines choses. Les devoirs peuvent nuire à la relation parents-école-enfants.

Lors de la participation de la MPM à la 3e Biennale à Bruxelles, un atelier avec l’association REPAQ (Réseau des Écoles Publiques Alternatives du Québec : Accueil || Repaq) du Québec a été l’occasion de réfléchir à la vraie place à donner aux parents dans l’école. 

 

  1. Différents parents, différentes classes, différents partenaires

Il y a un désir de collaboration des enseignants avec les parents au lycée et au collège. Pour autant, lors des rencontres parents/professeurs, les parents vont privilégier le professeur principal. Un autre professeur n’entrera alors en relation avec le parent qu’au téléphone et lorsqu’il y a tension.

En primaire, il est relativement simple de voir les parents. Mais lors des études secondaires, c’est plus compliqué. Ce n’est pas en une fois qu’on arrive à les faire revenir pour échanger et discuter.

En lycée professionnel/CFA, les parents sont surtout présents la première année. Ils estiment ensuite rapidement que leurs enfants sont adultes et ne nécessitent pas d’accompagnement. Le rôle du parent est pourtant majeur pour accompagner les jeunes adultes. Dans le cadre de l’apprentissage, les maîtres d’apprentissage peuvent souvent composer un triptyque intéressant avec le parent et l’enseignant, et être un soutien dans la réussite de l’élève.

On peut continuer de parler des parents de manière générique mais il faut prendre en compte la différence des structures et l’âge des enfants. 

Quand on parle de partenariat, de quoi s’agit-il ? Un ou plusieurs enseignants ? Et comment prendre en compte les différences de milieux socioculturels des familles ? Le partenariat et la relation école- famille, c’est une espèce de pari quasi impossible de par sa complexité. On y trouve tout à la fois une forme de continuité et une forme de discontinuité. Là se pose, une fois encore, la question du partenariat et de la relation.

Il y a des familles qui éprouvent des difficultés à comprendre le fonctionnement de l’école, qui craignent les enseignants et pour lesquelles cette relation semble inégale.

On trouve aussi des initiatives, comme à Strasbourg, où on aide les parents allophones à comprendre l’école et on propose aux parents qui le souhaitent d’apprendre le français au sein de l’école de leur enfant en partant d’éléments scolaires : c’est quoi le bulletin, y a quoi dans la trousse ?... Ces questionnements permettent aux formateurs FLE de travailler la langue française de manière plus large. Il manque cependant un cadre dans lequel l’enseignant, le formateur FLE et les participants échangent ensemble et construisent.

 

Trace rédigée par Maïté PROBST

Avec la collaboration  de Jean-Marie NOTTER