À la rencontre des grands pédagogues (suite) : Françoise Dolto (1908 - 1988)
Rencontre
Lundi 18 mai 2020, rencontre à distance, de 17 h à 19 h 30
Cette rencontre aurait dû avoir lieu le lundi 9 mars, c’est-à-dire le premier jour de fermeture des établissements scolaires, donc du collège Bel-Air, qui devait nous accueillir ce jour-là. En plein confinement pour cause de crise sanitaire, une rencontre à distance a été organisée le lundi 20 avril, afin de ne pas perdre le fil de ces soirées pédagogiques : dans le prolongement de la rencontre précédente avec Ivan Illich, le groupe a échangé sur le rapprochement entre « une société sans école » et une école à distance (qui n’a hélas pas laissé de trace).
Animation
Rencontre animée par Jean-Pierre Bourreau (membre du Comité d'Animation de la MPM).
Trace de Jean-Pierre Bourreau
Ce lundi 18 mai en fin d’après-midi, neuf personnes cachées derrière leur ordinateur ou affichées sur les écrans des autres participants pour cause de (dé)confinement et, quelque part, au centre virtuel de cet éclatement géographique et pédagogique, Françoise Dolto.
Tous les participants étaient censés avoir visionné le petit film réalisé par Philippe Meirieu dans sa col-lection « L’éducation en questions ». Une des raress femmes au sommaire de cette série de 26 por-traits de personnalités marquantes de la pédagogie et de l’éducation.
Françoise Dolto, psychanalyste de l’enfant
C’est d’abord le parcours de Françoise Dolto qui a retenu l’attention des participants : issue d’un milieu bourgeois, elle ne répond pas aux attentes de ses parents : elle choisit de devenir infirmière; puis, après quelques années d’expérience, prépare une thèse de doctorat qui lui ouvre la voie de la psychanalyse.
Elle se spécialise dans la prise en charge des enfants qu’elle écoute et auxquels elle donne la parole pour mieux les comprendre. Sa conception de l’enfant n’est pas sans rappeler celles développées par différents pédagogues de l’Education nouvelle, au début du XXe siècle.
Elle attache beaucoup d’importance à la relation entre parents et enfants dans les premières années de la vie ; c’est pour les accueillir ensemble qu’elle crée les « Maisons vertes ». Un lieu pour permettre aux adultes d’être à la hauteur des exigences éducatives pour permettre aux enfants de grandir.
Françoise Dolto, l’école et la pédagogie
François Dolto n’est donc pas à proprement parler une pédagogue, mais elle nous aide à mieux comprendre les difficultés des élèves. L’échec scolaire est rarement une question de déficit de capacité ; la tête d’un enfant ne doit pas être encombrée de problèmes affectifs afin de laisser suffisamment de place pour les apprentissages scolaires.
Par ses ouvrages et ses interventions à la radio, elle contribue à une remise en cause radicale de l’éducation de son temps et de l’institution scolaire dans l’après 68. Elle est très critique à l’égard de l’école : pour elle, « tous les bons élèves sont des névrosés ».
Elle inspire ou soutient différentes initiatives dans les années 1970. C’est notamment le cas de l’école de la Neuville, une école privée hors contrat, créée en 1973 dans la région parisienne, avec le « grand pédagogue » Fernand Oury, le fondateur de la pédagogie institutionnelle (voir trace de la rencontre de novembre 2018). L’important, pour Françoise Dolto, c’est que cette école est (et est encore ?) une école de vie sociale qui favorise la coopération et la solidarité au quotidien ; ce qui permet aux élèves de se sentir à leur place.
Autant d’éléments qui font spontanément consensus chez l’ensemble des participants. C’est à peine si ont été évoquées quelques questions de fond telles que :
- comment peut-on penser l’articulation entre l’attachement de l’enfant à sa famille et le détachement que représente pour lui l’expérience de la crèche puis de l’école ?
- d’une façon générale, est-ce à l’enfant de s’adapter à l’école ou à l’école de s’adapter aux besoins de l’enfant ?
Françoise Dolto rattrapée par la crise du coronavirus, le confinement… et le déconfinement
Comme on pouvait un peu s’y attendre, les conceptions de l’enfant et de la pédagogie de la psychanalyste sont assez vite entrées en résonance avec les effets du confinement dans le domaine de l’éducation.
Un dialogue d’autant plus spontané que deux personnes ont rejoint le groupe en cours de route, à peine sorties de leur activité professionnelle. L’une comme l’autre très préoccupées par la mise en place du déconfinement sur leur lieu de travail dans les prochains temps : comment les enfants, les élèves allaient-ils vivre cette nouvelle expérience après celle du confinement et, pour ces derniers, de l’enseignement à distance ?
Comment le respect des « gestes barrières », notamment celui de la distance physique à maintenir entre les enfants et les élèves allait-il être possible, à l’encontre de la prise en compte des besoins dont nous parle Françoise Dolto ? Ne s’agissait-il pas là de contraintes anti-éducatives, allant à l’encontre des gestes spontanés comme ceux d’aller vers les autres, de les toucher, de jouer avec eux ? Au-delà, les participants s’inquiètent des éventuelles retombées à plus ou moins long terme sur le développement de ces enfants que l’école, le centre périscolaire ou l’accueil de loisirs va demander de garder ses distances avec les autres…
Rigoureux ou assoupli, le confinement apparaît bien, pour tous les participants, comme le contre-modèle des préconisations s de Françoise Dolto pour l’éducation et l’épanouissement des enfants. Et ses propos que Philippe Meirieu à insérés au début du film résonnent avec force avec les préoccupations du moment des enseignants et des éducateurs : « Apprenez aux enfants à ne pas faire confiance à tout le monde ». Et Françoise Dolto d’ajouter, à l’adresse des enfants : « Tu as peut-être plus raison qu’une grande personne ». Et encore ceci : « Il faut toujours dire la vérité aux enfants ».
Et les écouter, et les faire parler de leur vécu, comme l’a fait Françoise Dolto tout au long de sa carrière professionnelle. Comme l’a fait Morgane avec ses élèves depuis le 9 mars dernier. Ce qui a amené le groupe à demander à Morgane de partager son expérience de l’enseignement à distance, de sa façon à elle de prendre en compte les besoins de ses élèves en période de confinement.
Le lundi 22 juin, nous irons donc à la rencontre d’une grande pédagogue, locale et contemporaine qui enseigne en collège, en section ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire). C’est elle qui nous a livré, en cadeau, le texte d'un slam écrit par un de ses élèves confinés, avec l’aide de ses parents. Ce texte sera diffusé après accord des parents.
Jean-Pierre BOURREAU
membre du Comité d'animation de la MPM