À la rencontre des grands pédagogues : Ovide DECROLY (suite)

Rencontre faisant suite à celle du 18 novembre 2019

Lundi 16 décembre 2019 - de 18 h à 20 h 30
au Collège Bel Air

Animation

Rencontre animée par Jean-Pierre Bourreau (membre du Comité d'Animation de la MPM).

Trace de Jean-Pierre Bourreau

La "rencontre" avec Ovide Decroly du 18 novembre avait permis de dégager les 2 axes forts de sa pédagogie :

  • la prise en compte des centres d’intérêt des enfants ;
  • la méthode globale d’apprentissage (bien au-delà de l’apprentissage de la lecture).

La combinaison des deux permettait aux enfants, aux élèves de donner du sens à leurs activités et/ou à leurs apprentissages.

Les échanges qui ont suivi ont permis aux participants d’interroger cette place du sens dans leurs pratiques pédagogiques, évidente pour les uns, beaucoup plus problématique à prendre en compte pour d’autres.

D’où l’idée de poursuivre la réflexion collective dans la séance suivante, sous forme d’échanges de pratiques.

Une question : Comment permettre aux enfants, aux élèves de donner du sens aux activités, aux apprentissages proposés ? 

Quatre narrations

  1. Un temps de promenade individuelle pour un enfant de 4 ans et demi, à son retour dans son lieu d’accueil après le week-end à domicile. Un moment toujours très difficile pour cet enfant, qui a choisi le lieu et l’itinéraire de sa promenade. Il a demandé le bâton, avec lequel il tirait un peu partout. Il a beaucoup observé ce qui se trouvait sur son passage. Il a refusé d’aller au-delà d’un endroit à cause de la présence d’une sorcière. Il a continué en s’intéressant à d’autres choses avant d’aller rejoindre la psychologue, avec laquelle il avait rendez-vous. La séance s’est passée très tranquillement, contrairement à la fois précédente. Pendant toute la balade, le narrateur s’est contenté de suivre l’enfant, parfois en lui proposant telle direction, sans rien imposer. A l’arrivée, il a fait la narration de cette séquence à l’auxiliaire de vie en charge de l’enfant (avec trace écrite dans le cahier de vie de l’enfant).

  2. Une séance de soutien avec deux jeunes apprentis. Le narrateur a constaté que certaines notions n’avaient pas été assimilées. Il a proposé de les classer, comme un petit film qui se déroule (pour passer d’une simple juxtaposition de pièces à un ensemble ordonné). Les jeunes ont bien accroché et, à la fin, se sont sentis surpris d’avoir trouvé une solution pour assimiler ces savoirs.

  3. Deux exemples très courts avec des bébés :
    • quand les dames arrivaient avec les grands plateaux, les grands bébés avaient compris qu’ils allaient manger ;
    • un bébé qui a vu tourner sur lui-même un bol qui venait de tomber, a essayé de lui faire reproduite le même mouvement. N’y parvenant pas, il a essayé avec un autre bol.

  4. L’évaluation initiale des compétences d’un groupe très hétérogène de jeunes âgés de 12 à 15 ans, afin de déterminer leurs besoins : comment donner du sens à des exercices "parachutés " ? Les plus jeunes acceptent les justifications qui leur sont données par l’enseignante. C’est beaucoup plus difficile avec les plus grands : la bienveillance ne suffit plus.

Une multitude d’échanges entre les participants 

Ceux-ci ont permis de faire préciser les situations évoquées, puis de formuler des observations, d’avancer des interprétations, d’autres questions,… Impossible de rendre compte de toutes les interactions. Ici, on peut seulement essayer de faire le lien, à partir des échanges, entre chaque situation présentée et la question à l’ordre du jour de la séance.

  • n° 3 : c’est l’environnement de calme et de temps créé par l’adulte qui permet au bébé de s’adonner au jeu libre, d’exercer tranquillement sa créativité pendant que l'adulte se consacre aux soins des autres bébés.

  • n° 4 : les jeunes ont beaucoup de mal à se projeter dans le temps et à comprendre l’intérêt pour plus tard de ce qu’ils ont à apprendre ; ils ont du mal à donner du sens à leurs apprentissages, et ces enjeux de temps et de compétences sont parfois très violents pour eux, notamment à l’heure des choix d’orientation professionnelle ;

  • n° 1 : avec les jeunes enfants, tout a du sens si on arrive à les accompagner comme l’a montré la narration n° 1, car tout ce qui vient de lui a du sens pour lui ; pour lui, ça a du sens parce que c’est découvrir par lui-même son lieu de vie… ou son chemin ;

  • n° 2 : c’est l’adulte qui a apporté des possibilités de sens aux deux élèves qui avaient du mal à mémoriser, avec les mises en relation qu’il leur a offertes ; on n’a jamais appris aux élèves à mémoriser, alors que les enseignants essaient de leur présenter le plus de choses possible, sans fil conducteur : on revient à Decroly et à l’approche globale d’une notion qui permet ensuite de donner du sens à l’apprentissage des différentes composantes de l’ensemble.

D’autres vécue ont été évoqués où l’on retrouve la question des apprentissages pour les élèves :

  • celui d’un élève travailleur, mais dont les résultats étaient très faibles et qui se sont améliorés à toute vitesse à partir du moment où l’enseignante a réussi, à force d’obstination, à déceler "es petits machins qui coinçaient" pour donner du sens au puzzle de "savoirs montés sur des châteaux branlants" ;
  • celui qui montre l’inefficacité du soutien par manque de détection des besoins de l’élève, alors que l’accompagnement consiste à décortiquer avec l’élève un exercice jusqu’à comprendre ce qui lui a posé problème… ce qui pose un triple problème de nombre d’élèves à prendre en charge, de temps, de formation des enseignants (à la didactique de la discipline, à la posture d’accompagnement).

Plusieurs constats a posteriori

  • les pratiques relatées sont presque positives (elles présentent des réussites) ;
  • elles présentent presque toutes une relation interpersonnelle entre un éducateur/enseignant et un enfant ou un (voire deux) élèves ;
  • le terme "accompagnement" revient souvent pour qualifier la pratique de l’adulte ;
  • surtout, la question du sens des activités ou des apprentissages pour les élèves se pose de façon radicalement différente à la petite enfance et à l’adolescence ; au point que l’on peut parler de mondes éducatifs aux antipodes les uns des autres.

Un souhait commun : continuer !

  • le jeudi 30 janvier, avec Ivan Illich ;
  • le lundi 9 mars, avec Françoise Dolto ;

Et, pourquoi pas, plus tard, avec des pédagogues ou des pédagogies d’aujourd’hui…

Trace rédigée par Jean-Pierre Bourreau,

Membre du Comité d’animation de la MPM.