À la rencontre des grands pédagogues (suite) : Alexander S. Neill

Où, quand ?

Jeudi 25 avril 2019, de 18 h à 20 h

au Collège Bel Air (210 rue de l'Illberg à Mulhouse)

Libres enfants...

Le nom de ce pédagogue anglais (1883-1973) est immanquablement associé à l'ouvrage dont il est l'auteur, "Libres enfants de Summerhill", qui a fait le tour du monde pédagogique dans les années 1970… et qui reste une référence pour diverses écoles alternatives.

Comme dans les rencontres précédentes (voir "traces" sur le site de la MPM), nous partirons d'un petit film documentaire réalisé par Philippe Meirieu qui a pour titre interrogateur : "Peut-on fonder l'éducation sur le seul désir de l'enfant ?"

Les échanges entre participants permettront ensuite de dégager les grandes lignes de la pensée et des pratiques qui font l'originalité de la démarche d'A. S. Neill, avant d'en évoquer les résonances aujourd'hui et de se poser la question de la place de la liberté de l'enfant dans l'école et dans les structures périscolaires ou de loisirs.

Animation

Rencontre animée par Jean-Pierre Bourreau (membre du Comité d'Animation de la MPM)

La trace de Maïté PROBST

Au travers de cette trace, nous essayons de rendre compte de ce que nous avons échangé lors de notre "rencontre" avec Alexander Sutherland Neill ce jeudi 25 avril 2019.

Premier temps

Nous lisons l'extrait d'un discours ô combien évocateur qu’Adolphe FERRIERE, pédagogue suisse, a tenu lors du Congrès de la Ligue internationale de l’Education nouvelle à Calais en 1921. Le texte provient du livre La Riposte de MEIRIEU.

Rapidement, certains participants font le pont avec leur pratique professionnelle. Ainsi, deux phrases semblent marquer certains d’entre eux plus particulièrement :

  • « Il [l'enfant] aime se servir de ses mains : on ne mit en jeu que son cerveau. ». Cette phrase entre en résonnance avec les activités de manipulation de Maria MONTESSORI. Mais elle questionne aussi la pratique des sciences de la vie et de la Terre. En effet, au fur et à mesure des années, les possibilités de manipulation offertes aux élèves se sont restreintes. Plusieurs facteurs sont alors évoqués : disparition des demi-groupes qui permettaient un vrai accompagnement des élèves et des manipulations en TP et la disparition des « laborantins » qui permettaient à l’enseignant d’avoir un soutien dans la préparation de ces expériences.
  • « Il voudrait chercher la science : on la lui servit toute faite. ». En science, les enfants ont souvent les apprentissages déjà formalisés sans qu’ils aient pu observer et chercher auparavant. « CHERCHER et OBSERVER », deux éléments que les élèves ont de plus en plus de mal à réaliser, peu habitués dans leur vie scolaire à le faire.

Deuxième temps

Nous visionnons ensemble un documentaire sur Alexander Sutherland Neill (1883-1973) qui décrit l’école créée dans le début du XXe siècle en Angleterre. La liberté de l’enfant est ici très grande, les enfants peuvent faire le choix de ne pas apprendre tout au long de leur scolarité. Tous les samedis, l’ensemble des personnes présentes (enfants et adultes) se retrouvent pour prendre des décisions collectives. A.S Neill se rapprochera de Wilhelm REICH (1897-1957), psychiatre et psychanalyste. Le rôle de A.S Neill dans son école est central, peut-être trop. Les enfants ne feraient-ils pas tout de même ce que Neill désire pour lui plaire ? MEIRIEU parle alors d’aujourd’hui : comment reprendre possiblement cette expérience de nos jours ? Il insiste alors sur la société actuelle et ses différences avec le début du XXe siècle. Il dit alors qu’il nous faut : « Inventer de nouveaux lieux où puisse émerger le désir d’apprendre pour les enfants d’aujourd’hui ». Comment conserver cette horizontalité entre l’adulte et l’enfant ? Dans le documentaire, deux écoles se rapprochant de cette tentative de liberté dans les apprentissages sont proposées :

  • le lycée expérimental de Saint-Nazaire, créé en 1982
  • La ville pour l’école, créée en 1997 pour des décrocheurs : une phrase a retenu particulièrement mon attention « Tout ce qu’on n’apprend pas à l’école, on peut l’apprendre en faisant. On peut l’apprendre en allant travailler. ».

Troisième temps

La pause réflexive, véritable institution à la Maison de la Pédagogie, permet à chacun de prendre du temps pour réfléchir à ce qu’a évoqué pour lui le documentaire visionné.

Chacun prend alors le temps d’écrire sur une feuille sa pensée ou sa question en essayant, même si cela n’est pas toujours facile, de faire un choix dans la multitude des pensées qui le traversent.

Voici le résultat, pêle-mêle, des cogitations individuelles :

  • La place de l'adulte (asymétrie ou non de la relation) : gourou, continuité du projet
  • Comment "équilibrer" le désir ?
  • Respecter le désir de l'élève
  • Donner le désir d'apprendre
  • Quel est le devenir des élèves ?
  • Dans une société où l'on pousse à la consommation excessive, le désir de l'enfant ne serait-il pas perdu dans le consommable ?
  • Retrouver le désir d'apprendre
  • L'élève a le droit de ne pas apprendre
  • Liberté d'apprendre ou de ne pas apprendre
  • Pousser l'élève ou tirer l'élève (dessin montrant un élève poussé par quelqu'un et tiré par le cou par un autre)
  • Au secours ! Que faisons-nous à nous diriger si loin de là où il faudrait !

On le voit nettement : la notion centrale qui ressort est LE DESIR.

Un adage donné par une participante : « On ne fait pas pousser les carottes en tirant dessus »

Nous évoquons ensuite plusieurs sujets :

  • Le lycée expérimental de Saint Nazaire :

Il est autogéré. Il n’y a pas de classes mais des ateliers proposés aux élèves qui peuvent décider de s’y rendre en fonction de leur choix ; le désir d’apprendre de l’élève y est central. Le lycée s’adresse à des jeunes qui n’entrent pas dans le cadre institutionnel ordinaire, mais qui ont le souhait d’aller à l’école. Cette expérience a été rendue possible grâce à Alain SAVARY, ministre de l’Education nationale de 1981 à 1983, sous Mitterrand. Cette expérience ressemble au CLEPT (Collège lycée élitaire pour tous) de Grenoble.

  • Le liberté sexuelle :

A.S NEILL était très libre sur sa vision de la sexualité enfantine. Il est vrai que dans plusieurs civilisations, la sexualité n’est pas autant sacralisée qu’en France.

  • Le contact physique entre adulte et enfant :

Lors du visionnage, on remarque une grande proximité physique entre les enfants et les adultes présents. Cela nous questionne sur la place du contact entre les éducateurs (au sens large du terme) et les enfants dont ils ont la charge. Quelle est la distance physique à avoir avec un enfant/élève ? Pourquoi ne pas se mettre dans son dos pour accompagner son geste lorsqu’il règle son microscope pour faciliter l’acquisition du geste ? Y a-t-il des règles concrètes sur la distance à adopter ? Pourtant certains observent que les enfants sont de plus en plus de demandes d’accolade ou d’un moment de câlin. La question centrale ici n’est pas plutôt : « N’a-t-on pas perdu le contact avec l’humain ? »

  • Le désir de l’enfant comme moteur de son apprentissage

Est-il possible de s’appuyer sur le seul désir de l’enfant ? Au vu de la pluralité des possibles ? Au vu de tout ce qui est disponible et a portée de main ?
N’en fait-on pas un consommateur en s’appuyant sur son seul désir ?

Lorsque l’enfant n’a pas le désir d’apprendre à lire : quelle insertion dans notre société ? Est-ce culturellement admis ? Certains participants expliquent comment certains enfants se sont mis dans tel apprentissage avant d’entrer dans la lecture. Ils évoquent alors les stratégies d’évitements : les personnes qui les aident, les pictogrammes qui sont reconnaissables et suffisent souvent à s’orienter.

  • DESIR = BESOIN ?
  • Frustration et désir

Comment l’enfant peut-il apprendre à gérer ses frustrations s’il fonctionne selon ses propres désirs ?

La vie de groupe est un apprentissage pour l’enfant probablement dans la gestion de ses frustrations. Bien entendu, je peux évoluer à mon rythme mais je suis aussi dans un groupe de vie qui a ses règles et ses interdits. Le samedi a lieu l’assemblée générale qui doit probablement régler la vie de groupe.

  • La place du SAVOIR

A.S NEILL semble accorder peu d’importance au savoir. Ce positionnement pose question.

  • Le charisme de A. S NEILL

La volonté de l'enfant de plaire à NEILL le ferait tout de même aller dans le sens de NEILL

Est-ce une pédagogie cachée ?

Quatrième temps

Nous avons ouvert collectivement plusieurs chemins et plusieurs questions restent en suspens. Est-ce qu’une école comme l'a créée A.S NEILL serait possible aujourd’hui ? Est-elle concevable dans notre société actuelle ? Correspondrait-elle à l’ensemble des enfants ?

Dans le désir de laisser l’enfant prendre ses décisions dans les apprentissages se pose la question du futur. Comment cet enfant va-t-il s’insérer dans la société sans certains acquis ? Parle-t-on de l’instant présent ou du long terme ?

Ces échanges permettent aux participants de réfléchir sur leurs pratiques et de partager leurs expériences. Certains y trouvent une facilité à expliquer leurs gestes pédagogiques à leur hiérarchie mais déplorent de devoir remplir plusieurs documents pour justifier leur pratique. Le premier métier du pédagogue n’est-il pas d’observer les enfants/élèves pour pouvoir créer des situations d’apprentissage ? Ce n’est pas en prouvant les démarches par des écrits institutionnels que cela est possible.

La demande du groupe serait de reprendre du temps pour faire des échanges de pratiques.

La boîte à liens pour aller plus loin…

Maïté PROBST – Avril 2019