À la rencontre des grands pédagogues (suite) :
Célestin, Rudolf, Maria, Fernand… et nous

 

Une rencontre

Mercredi 19 décembre 2018 au Collège Bel Air (210 rue de l'IIlberg à Mulhouse) - de 17 h 30 à 19 h 30

Pourquoi ?

Depuis le printemps dernier, à raison d'une séance par mois, la MPM a organisé des rencontres avec Célestin Freinet, Rudolf Steiner, Marie Montessori et Fernand Oury. Ou plutôt, des échanges avec des personnes qui mettent en œuvre, aujourd'hui, au quotidien les pratiques et les idées de ces "grands" pédagogues. Nous proposons de faire une pause dans cet itinéraire de découverte du patrimoine pédagogique en centrant nos réflexions et nos échanges sur deux questions :

  • quelles sont les ressemblances et les différences entre les pédagogies dont ces rencontres ont permis d'avoir un aperçu ?
  • en quoi peuvent-elles nous aider, en ce début de XXIe siècle, dans l'exercice de notre métier d'enseignant, d'éducateur et/ou de formateur ?

Animation

Rencontre animée par Jean-Pierre Bourreau (membre du Comité d'Animation de la MPM)

 

Trace

C'est Morgane qui a accueilli le groupe dans sa salle de classe, au collège Bel Air.

Une salle de classe pas comme les autres, pas comme celles que l'on trouve d'ordinaire dans les collèges ou dans les lycées. Morgane enseigne dans le dispositif ULIS (Unité Localisée pour l'Inclusion Scolaire). C'est un dispositif et non une classe ! Les élèves y entrent et en sortent chaque heure en fonction de leur emploi du temps, de leur parcours scolaire personnalisé. C'est aussi ce qui augmente l'hétérogénéité des compétences des élèves car ils sont inscrits de la 6e à la 3e, ont entre 11-12 ans et 16 ans et ont des niveaux scolaires allant de la grande section/CP à la 3e.

Une invitée surprise : la salle de classe de Morgane

Il était bien convenu que Morgane nous accueillerait dans sa salle de classe du collège Bel Air mais nous n’avions pas prévu que la séance commencerait par une découverte des lieux. Difficile pourtant de s’installer dans cet espace sans laisser au préalable courir le regard vers les coins et recoins de cet espace, ne serait-ce d’abord que parce que l’endroit où nous irions nous installer ne sautait pas aux yeux, précisément.

Cette découverte fut ensuite rendue fort hasardeuse par le caractère atypique, tant de la disposition du mobilier que du matériel et des documents dont la salle est remplie. Autant dire qu’il fallut bien accorder un peu de temps à Morgane pour lui permettre de répondre aux questions dont elle était assaillie.

Hasardons-nous maintenant dans la tentative d’une description.

D’abord, ici, pas de chaises et tables en rangs d’oignons dirigés vers le pupitre de l'enseignante, mais de nombreuses alvéoles matérialisées par des meubles de rangement, qui permettent de s’installer seul ou en petits groupes. Le "bureau" de la professeure se fond dans cet ensemble, c’est-à-dire qu’un élève peut très bien s’y installer. Sans doute est-ce pour la même raison que la chaise à roulettes se trouve perdue parmi ses consœurs moins mobiles.

Ensuite, sur des murs opposés, deux tableaux blancs qui se font face et rappellent si nécessaire que les lieux du savoir et de l’échange sont multiples et interchangeables. Les tableaux portent aussi bien d'écrire avec des feutres effaçables que d'afficher des documents à l’aide d’aimants. Ces feutres et ces aimants sont répartis un peu partout comme autant d’appels à l’écriture et à la communication.

Cette impression de profusion de supports et de matériel se confirmera lorsque nous aurons besoin de grandes feuilles pour afficher le résultat de nos élucubrations : feuilles et ruban adhésif surgissent comme par miracle. Nous pouvons en dire autant des gobelets qui seront mis à notre disposition pour le pot de l’amitié : sommes-nous bien dans une salle de classe ?

Nous ne nous étonnerons pas davantage en découvrant que cette salle est équipée d’un lavabo. Rappelons que Morgane est enseignante spécialisée en ULIS et que la présence d’un lavabo en ce lieu est réglementaire. Outre l'évier, il y a une cage pour Réglisse, l'animal médiateur (un cochon d'Inde). Pour les assises, on trouve un banc, des ballons, des tapis. On note aussi la présence d’un vidéo projecteur ; mais pourquoi se priver de ce matériel didactique si pratique ?

Bien évidemment, les murs nous parlent : ils sont couverts d’affiches et de documents de toutes sortes ! Les emplois du temps des élèves et des adultes qui travaillent au sein du dispositif, des aides au repérage dans le temps, un affichage pour la date et la météo du jour, des affichages pour mémoriser les conjugaisons ou des termes mathématiques : angle droit, parallèles, tableau de conversion... et également des réalisations des élèves (dessins, affiches, travaux d'écriture...)

On comprendra maintenant qu’il n’était tout simplement pas possible de nous asseoir avant de nous être quelque peu imprégnés de l’esprit de cette pièce qui sait si bien s’intégrer dans la Maison de la Pédagogie.

 

Le temps de la "pause réflexive"

La "pause réflexive" est inscrite dans les gênes de la MPM. C'est ce temps d'arrêt dans un parcours, une démarche, un processus, qui permet de faire retour sur le chemin parcouru et de réfléchir sur le vécu pour mieux envisager l'avenir.

Après avoir rencontré Célestin Freinet (en mai), Rudolf Steiner (en juin), Maria Montessori (fin septembre), Fernand Oury et la pédagogie institutionnelle (début novembre), il semblait intéressant de faire cette pause, en quatre temps.

Le premier temps a été consacré à dégager les apports des quatre pédagogues "rencontrés" au cours des séances précédentes : ni contrôle des connaissances, ni souci d'exhaustivité académique, mais une occasion d'échanger en binôme sur ce qui a marqué les esprits et de partager quelques éléments de culture pédagogique commune lors de la mise en commun.

Dans un deuxième temps, les participants ont été invités à dégager les points communs et les différences entre les quatre pédagogies. Là encore, le temps imparti à la réflexion en petit groupe, puis à la mise en commune s'est évidemment révélé trop court pour déboucher sur un résultat optimum. Voici, pêle-mêle et avec seulement quelques retouches strictement formelles, ce qui est ressorti des cogitations des deux groupes :

Les points communs aux quatre pédagogies

  • l'enfant/l'apprenant est au centre de ces pédagogies (2 fois)
  • essentiellement dans le primaire  problème d'adaptation par la suite
  • le souci de donner la parole  savoir aussi les écouter
  • la présence d'un certain cadre associé à de la souplesse
  • "le départ" de la démarche d'apprentissage naît d'un besoin de l'enfant
  • l'enfant doit avoir le droit et le temps de se tromper et d'apprendre
  • le matériel est important
  • une éducation à la citoyenneté, au respect

Les différences entre ces pédagogies

  • les programmes officiels sont suivis chez Freinet et Oury, à la différence de Steiner et de chez Montessori (2 fois)
  • la prise en compte du groupe classe apparaît plus nettement chez Freinet et chez Oury
  • les règles et les lois sont plus perceptibles chez Freinet et Oury
  • les coûts de scolarisation sont élevés chez Montessori, ce qui constitue une forme de sélection sociale
  • d'un côté, on privilégie la relation individuelle éducateur /enfant ; de l'autre, le groupe avec le conseil, la recherche du consensus
  • les outils, le matériel sont différents

 

Troisième temps de la soirée : après une pause conviviale, qui a un peu empiété sur l'activité réflexive, chaque participant a pu faire part de ce que ces rencontres lui ont apporté dans ses pratiques et/ou dans ses cogitations pédagogiques.

Seule Samira a réussi à aller au bout de la mise par écrit de sa réponse à la question posée : "Je trouve que l'adulte a du mal, notamment moi-même, à laisser le temps à l'enfant d'apprendre. La différence de rythme entre celui de l'adulte et celui de l'enfant peut être problématique. Le temps, la performance, les attentes me posent souvent question. Grâce à ces pédagogies autres, je trouve des solutions très pertinentes. Le tout, c'est de prendre le temps de les apprendre et de les transmettre."

Quaisland a évoqué la question de la "transférabilité" des savoirs pédagogiques :

  • "la découverte des différentes pédagogies
  • je n'ai pas pu les appliquer
  • (le besoin d'"outils permettant d'adapter la méthode en fonction des élèves"

Morgane a fait part de ses tâtonnements pour essayer de mettre en place, avec ses élèves, un "conseil" emprunté à la pédagogie Freinet, parallèlement avec des démarches issues de la pédagogie Montessori. Et elle ajoute : "Dans tous les cas, c'était un plaisir de vous accueillir chez mes élèves (ce sont eux qui modifient les espaces en fonction de leurs besoins) et d'échanger avec vous... Sans compter les gourmandises."

Enfin, pas question de se quitter avant d'avoir répondu à la question : Et maintenant, que faisons-nous ? La réponse é été spontanée et unanime : On continue !

Au 2e trimestre, les rencontres vont donc se poursuivre au même rythme mensuel (mais attention ! À des jours variables dans la semaine, et à des horaires et dans des lieux parfois différents d'une séance à l'autre : consulter l'agenda du site). Carl Rogers sera au programme de la rencontre du lundi 21 janvier.

Cette nouvelle série de rencontres tiendra également compte du souhait exprimé par les membres du groupe de consacrer un moment – voire une séance entière – à des échanges sur les pratiques pédagogiques des participants. Ce qui contribuera à rapprocher encore davantage l'héritage des "grands" pédagogues des préoccupation s des praticiens d'aujourd'hui.

Merci à Morgane pour son accueil, à Jean-Marie pour la présentation de la salle de classe de Morgane, à toutes et tous pour leurs contributions orales et écrites. Sans oublier Mme Jung, la principale, qui nous ouvre grandes les portes de son collège et la dame qui a la gentillesse d'attendre de nous voir quitter les lieux pour les fermer et mettre ainsi un terme (provisoire) à des discussions sans fin.

 

Jean-Pierre Bourreau, membre du comité d'animation de la MPM

Janvier 2019