A la rencontre des grands pédagogues : Fernand Oury

Fernand Oury et la pédagogie institutionnelle

Mercredi 7 novembre 2018 au Collège Bel Air (210 rue de l'IIlberg à Mulhouse) - de 17 h 30 à 19 h 30

Avec une praticienne, Catherine Clivio

Les rencontres avec les "grands" pédagogues proposent de mieux faire connaissance avec les idées et les pratiques de celles et ceux qui ont marqué l’histoire de la pédagogie et de l'éducation.

Après Freinet, Steiner et Montessori, la MPM et Rezo! font un saut dans le temps en s'intéressant à Fernand OURY (1920-1997), considéré comme le fondateur de la pédagogie institutionnelle : une forme de pédagogie coopérative née dans la banlieue des années 1960, dans le sillage de la pédagogie Freinet, contre "l'école caserne" et pour la restauration du désir d'apprendre des élèves.

Après la présentation d’un court métrage vidéo de Philippe Meirieu ("Y a-t-il une autre loi dans la classe ?"), les participants auront la possibilité d'échanger avec Catherine Clivio, professeure des écoles, praticienne au quotidien de la pédagogie institutionnelle. Une belle occasion d'en découvrir l'actualité et les potentialités, notamment en milieu scolaire réputé "difficile".

 Rencontre animée par Jean-Pierre Bourreau (membre du Comité d'Animation de la MPM)

 

La "Trace" d'Agate Chenelot

Le mardi 7 novembre 2018 avait lieu le 4e atelier pédagogique proposé par la Maison de la Pédagogie de Mulhouse autour des grands pédagogues. Après Freinet, Steiner et Montessori, une quinzaine de personnes (habitués ou nouveaux venus, enseignants… ou non !) se sont retrouvées afin de découvrir, échanger, s'interroger, se nourrir… de l'héritage de Fernand Oury et de la (r)évolution qu'il peut permettre à chacun pour améliorer sa pratique professionnelle.

Comme les ateliers pédagogiques précédents, celui-ci a débuté par la projection du documentaire issu de la série "L'éducation en questions" de Philippe Meirieu consacré à Fernand Oury. Ce film, en un peu plus de 13 minutes, présente la genèse de la pensée d'Oury et les fondamentaux de la pédagogie institutionnelle (PI). Chacun ayant pu avoir réponse à bon nombre de questions "basiques" sur ce pédagogue et sa vision de l’éducation, les échanges qui ont suivi ont ainsi pu être riches, chacun pouvant être immédiatement dans le vif du sujet.

L'essentiel des échanges a porté sur deux institutions importantes de la pédagogie institutionnelle : les ceintures et le conseil. Les membres de l'assemblée ont d'ailleurs largement profité de la présence de Catherine Clivio (enseignante-praticienne depuis plus de 20 ans en pédagogie institutionnelle) et de Jean-Pierre Bourreau (ayant lui aussi développé certains aspects de la pédagogie institutionnelle dans sa pratique) pour obtenir des réponses très concrètes à leurs diverses interrogations.

Les ceintures

  • Les ceintures de comportement : après une observation très fine des élèves pendant le premier mois de classe, c'est l'enseignant qui attribue la première ceinture de comportement aux élèves en ayant le souci que cette ceinture ne soit pas "sur-dimensionnée" afin que l'élève puisse l'assumer et envisager de passer la ceinture supérieure. A la question de savoir pourquoi c'est l'enseignant qui attribue la première ceinture et non pas les élèves qui décident de passer une ceinture, Catherine Clivio explique que, tout particulièrement pour les élèves en début de scolarité, cela leur serait difficile de se positionner, puisque "les ceintures ne vivent pas encore dans leur tête". Par contre, ce sont les enfants qui ensuite se proposent pour la ceinture suivante ;
  • Les ceintures d'apprentissage : c'est l'enseignant qui aura décortiqué au préalable les instructions officielles pour déterminer les différents items à réussir pour valider une ceinture. Pour les novices, le site de l'"Association Vers la Pédagogie Institutionnelle" (http://avpi-fernand-oury.fr/) ou encore le site "nosceintures2competences" peut permettre de se lancer !

Dans les deux cas, c'est l'élève qui, quand il se sent prêt, passe les différentes ceintures. Quand des items d'une ceinture n'ont pas été validés, seuls ceux-ci sont repassés quand l'enfant se sent prêt. Quand la ceinture est validée, l'enfant est applaudi en classe.

Ce système de ceintures, en ne prenant en compte que les réussites et en étant très structuré (chaque item étant explicite/é) permet à l'enfant de se voir grandir.

À la question de savoir comment ces items peuvent être interprétés pour les enfants à besoins éducatifs particuliers, Catherine Clivio explique que les aménagements apportés sont alors de l'ordre de la compensation pour permettre d'adapter les passages de ceintures à la réalité de chaque enfant.

Le conseil

Cet autre aspect fondamental de la PI peut être mis à profit dans d'autres contextes que les seules salles de classe. Une des membres de l'assemblée partage d'ailleurs son expérience à cet égard, montrant comment le conseil peut être exploité de façon très intéressante, tant dans le cadre d'accueil périscolaire qu'en formation BAFA.

Le conseil est très structuré. Loin d'être assimilable à de la rigidité, le déroulement ritualisé permet entre autres de donner des repères aux enfants. Cela les aide à grandir et à s'y impliquer. Ainsi, chaque conseil commence par la phase "je félicite (ou je remercie)", immédiatement suivie par une phase "je râle". Puis seront débattues par l'assemblée des élèves les propositions qu'ils auront mises à l'ordre du jour.

Le conseil, très axé sur le relationnel, permettant aussi d'évacuer les tensions inhérentes à toute vie en groupe, ne peut pas être mené à la légère. Ce point précis est d'ailleurs une crainte largement partagée par les personnes réunies autour de la table. Il est entre autres indispensable d'avoir au préalable posé un cadre. Un des principes essentiels est d'ailleurs que tout ce qui est échangé dans le cadre d'un conseil doit rester dans ce conseil. C'est pourquoi, bien que plusieurs personnes dans l'assemblée auraient souhaité pouvoir assister à un conseil, cela est difficilement envisageable. Mais il semblerait que quelques vidéos soient disponibles sur Internet…

À la lumière des nombreux échanges qui ont eu lieu au cours de cette soirée, il apparait qu'il n'existe pas de kit "prêt-à-l'emploi" pour pratiquer la pédagogie institutionnelle… mais qu'elle ne peut être mise en place sans réelle formation. C'est d'ailleurs sans doute une des raisons pour laquelle sa pratique reste si marginale.

En effet, pour qu'elle puisse être pertinente et qu'elle délivre toutes ses richesses, il est indispensable d'en avoir intégré les tenants et les aboutissants. stage AVPIIl est bien sûr possible de se documenter seul et d'apporter quelques touches de PI au sein de sa classe (discutable : cela voudrait dire qu’on pourrait faire de la PI avec n’importe quelle pédagogie. Or la PI ne va pas sans la PF qui constitue un des pieds du tabouret), mais cela prend du temps, beaucoup de temps si l'on reste isolé. A défaut de pouvoir suivre des stages de formation en PI, travailler en groupe avec d'autres personnes pratiquant la PI est très aidant. Même si peu d'enseignants la pratiquent en Alsace (la pédagogie Freinet y est plus fréquente), Des groupes de travail regroupant des enseignants pratiquant la PI existent cependant.

Et s'il est une chose à retenir de la PI, Fernand Oury ayant à cœur que chacun puisse trouver sa place (au sein de la classe, mais aussi dans sa vie), la chose la plus importante est de créer un climat de confiance… tout en instaurant un cadre à l'intérieur duquel les enfants vont pouvoir s'épanouir.

Agate Chenelot

Des pistes pour aller plus loin :

Nota bene de Jean-Pierre Bourreau

Cette "trace" de la rencontre avec Fernand Oury et la pédagogie insitutionnelle a été rédigée par Agathe Chenelot à partir de ce qu'elle a retenu des échanges entre les participants, notamment avec Catherine Clivio. Cette "trace" ne prétend donc pas constituer une restitution exacte des propos tenus par notre invitée, et encore moins une présentation exhaustive et fidèle de la pédagogie mise en place par Fernand Oury.

Comme toute pédagogie digne de ce nom – et peut-être plus encore que toute autre -, la pédagogie institutionnelle est un système complexe dont chacun des éléments est interdépendant des autres. C'est pourquoi l'emprunt de l'un ou l'autre des éléments constitutifs de cette pédagogie dans d'autres démarches pédagogiques est souvent problématique et ne va jamais de soi.

Post scriptum de Catherine Clivo qui écrit, le lendemain de la rencontre :

" J'ai eu beaucoup de plaisir à être là mercredi soir et je te remercie vraiment de m'avoir invitée. J'ai trouvé les échanges très riches et les questions m'ont aidée à approfondir ma réflexion. Avec le temps, on a tendance à faire les choses "machinalement" et devoir faire un "retour" sur sa pratique et ses fondements est très utile".