Billet MPM de mai 2025
La Maison de la Pédagogie de Mulhouse, d'une saison...
... à l'autre...
Depuis sa création, en septembre 2015, la MPM suit globalement le calendrier scolaire. Elle respecte notamment la coupure des vacances d’été. Pas d’activités ou de rencontres publiques en juillet-août. Mais une invitation à la « pause réflexive », au soleil ou à l’ombre, allongé sur un transat ou en marchant sur un sentier, le regard plutôt contemplant le chemin parcouru ou plutôt anticipant les découvertes à venir… C’est parce que le « temps de cerveau disponible » est généralement plus grand en période estivale que ce Billet MPM de juillet-août se permet d’être exceptionnellement long. A commencer par un retour sur les quatre Rencontres-débat de la Saison 2024-2025.
Le 7 octobre 2024 : « La sexualité, un enjeu éducatif de premier plan », avec Yaëlle Amsellem-Mainguy (en partenariat avec le Crédit mutuel enseignant)
Yaëlle Amsellem-Mainguy est sociologue, chargée de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). Elle a été membre de la Commission chargée de la rédaction des programmes d’éducation à la vie affective relationnelle et à la sexualité. Votés à l’unanimité par le Conseil supérieur des programmes en janvier 2015, ils doivent être mis en œuvre de la maternelle au lycée à la rentrée de septembre.
Yaëlle Amsellem-Mainguy était donc particulièrement bien placée pour nous faire part, à la fois, de son approche globale de la place de la sexualité dans le monde d’aujourd’hui et des perspectives ouvertes par la définition de ce que pourrait (ou devrait) être une éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité porteuse d’épanouissement personnel, de respect de l’autre et d’émancipation citoyenne.
On aura seulement pu regretter que cette soirée n’ait pas suffisamment abordé la question cruciale de la place respective des parents et des enseignants dans ce domaine de l’éducation. Et que la rencontre de notre intervenante avec des parents d’un quartier Politique de la Ville ait dû être annulée par crainte de tensions et de perturbations préjudiciables à la sérénité du quartier.
- Ecouter le podcast de l’interview de Yaëlle Amsellem-Mainguy, réalisé, comme tous les autres, par Jean-Luc Wertenschlag, membre de la MPM et rédacteur en chef de la radio WNE.
Les 3 et 4 décembre 2024 : « Relever le défi écologique à l’école… et ailleurs », avec Jean-Michel Zakhartchouk, longtemps rédacteur en chef des Cahiers pédagogiques
C’est la parution de son dernier ouvrage, Relever le défi écologique à l’école, au printemps 2024, qui nous a fourni l’occasion d’organiser une 3e Rencontre-débat sur l’urgence écologique et l’éducation à l’écocitoyenneté, dans un format en 2 temps.
Lors de son intervention du mardi soir, Jean-Michel Zakhartchouk a d’abord situé la place du défi écologique dans les programmes scolaires et évoqué différents croisements de disciplines qui peuvent se révéler fructueux. Puis, il a souligné l’importance des connaissances scientifiques dans la prise de conscience des enjeux pour notre monde.
Il a ensuite questionné la portée de ces néologismes exprimant la place croissante des préoccupations écologiques dans la vie courante aussi bien que dans le monde scolaire. Quelle est la place des éco-gestes dans la prise de conscience des causes du réchauffement climatique ? Les éco-délégués arrivent-ils à jouer pleinement leur rôle dans l’établissement ? Comment aborder la question de l’éco-anxiété avec les élèves, notamment les plus jeunes ?
Dans un troisième temps, Jean-Michel Zakhartchouk, a souligné les bienfaits, à différents égards, de la reconnexion avec la nature et a suggéré que la prise de conscience du défi écologique doit se traduire en actions et en propositions positives. Autant de pistes de réflexion et d’action qui vont de pair avec la mise en œuvre de pédagogies actives capables de mettre les élèves dans des situations intellectuellement riches.
Le lendemain matin, Jean-Michel Zakhartchouk a participé à une Table ronde sur la thématique de « L’école du dehors, à la campagne et en ville » avec de nombreux invités impliqués localement dans cette pratique, qui ont pu témoigner de leur expérience et de leur expertise.
Se sont ainsi retrouvé(e)s côte-à-côte trois enseignant(e)s (une en maternelle et deux en école élémentaire), l’adjointe à la Maire de Mulhouse en charge de l’éducation, le directeur pédagogique du Moulin Nature de Lutterbach, deux responsables de structures régionales : l’Association régionale d’initiation à l’environnement et à la nature d’Alsace et Alter Alsace Energie, qui interviennent dans l’animation pédagogique en faveur de l’école du dehors et de la prise de conscience du poids de la question énergétique dans l’habitabilité de la planète.
Les témoignages et les échanges ont permis d’aborder sous des angles différents la question centrale suivante : En quoi l’école du dehors contribue-t-elle à relever le défi écologique ? En quoi permet-elle aux enfants et aux jeunes de devenir des écocitoyens et de prendre leur place dans la société ?
Trois heures d’échanges avec le public qui ont aussi permis aux différentes parties prenantes de mieux faire connaissance et de commencer à tisser des liens dont les premiers effets semblent déjà perceptibles : peut-être une amorce de convergences entre acteurs de l’éducation pour « relever le défi écologique » à l’échelle locale.
- Lire la Trace-dossier de la Rencontre
- Ecouter le podcast de l’interview de Jean-Michel Zakhartchouk
Le 25 mars 2025 : « Entre les murs et hors les murs : quels espaces d’apprentissages aujourd’hui à l’école ? », avec Pascal Clerc (en partenariat avec la section locale de la MGEN)
Une Rencontre-débat qui nous a permis de prendre la mesure du rôle de l’organisation spatiale de l’école dans le travail des enseignants et les apprentissages des élèves : de quelles finalités de l’éducation cette organisation de l’espace scolaire est-elle implicitement porteuse ? C’est la question qui traverse le récent ouvrage de Pascal Clerc, professeur émérite de géographie à Cergy Paris Université : Émanciper ou contrôler ? (Éditions Autrement, 2024)
Pour notre intervenant, l’organisation spatiale de l’école et les pratiques pédagogiques ont partie liée dans qui se passe encore aujourd’hui très souvent « entre les murs » d’une école historiquement coupée du monde et de la vie.
C’est ainsi que l’architecture scolaire, avec ses empilements et ses alignements de salles de classe « boîtes à chaussure » identiques, est plus propice au contrôle des élèves et à un modèle d’enseignement de type simultané, qu’à des apprentissages selon des modalités variées, plus proches des besoins des élèves.
Pour Pascal Clerc, passer d’une école pour contrôler et enseigner à une école pour apprendre et s’émanciper, c’est repenser l’organisation de l’espace scolaire aussi bien que les relations de l’école avec son environnement, du plus proche au plus lointain, c’est tisser des réseaux avec les différentes composantes de son territoire et, via les outils de communication à distance, avec le vaste Monde. C’est rendre possibles, y compris au plan matériel, le développement de pratiques, de postures pédagogiques entravées par la prégnance de la « forme scolaire » telle que l’a conceptualisée Guy Vincent il y a près d’un demi-siècle et telle que l’a actualisée Pascal Clerc en « système classe ».
Pour finir, Pascal Clerc nous a présenté quelques réalisations et des projets qui, de par le Monde, nous disent qu’il peut, qu’il pourrait exister des architectures scolaires pour une pédagogie du XXIe siècle.
- Lire la Trace de la Rencontre-débat
Le 6 mai, « Quand les IA rencontrent les élèves : enrichissement pour les uns, appauvrissement pour les autres ? » avec Teddy Mayeko, Maître de conférences en sciences de l’éducation à Cergy-Paris Université
Pour l’intervenant, non spécialiste de l’IA, il s’agissait, en tant que citoyen éclairé autant qu’enseignant-chercheur, d’aborder les menaces que l’IA fait planer sur le devenir de l’humanité, aussi bien que les retombées pédagogiques à l’échelle de la classe : « Comment l’éducation peut-elle préparer les enfants et les adolescents à interagir avec l’intelligence artificielle tout en développant chez eux une pensée critique et autonome ? ».
Loin de toute diabolisation, Teddy Mayeko s’est prononcé en faveur d’une utilisation de l’IA qu’il a qualifiée de « raisonnée, rationnelle et opérationnelle ». Pas de recours à l’IA sans, en parallèle ou en complémentarité, la construction, par l’élève, de facultés intellectuelles indispensables à l’expression d’une pensée proprement humaine telles que l’élaboration d’un raisonnement, d’une argumentation, l’exercice de la réflexivité et de l’esprit critique. Grandir, c’est aussi, pour Teddy Mayeko, cultiver ce « goût de l’effort » auquel il vient de consacrer un petit ouvrage « énergisant » (Le goût de l’effort, L’Harmattan, 2025).
Lors des échanges avec le public, l’accent a été mis sur la nécessité de développer les pratiques éducatives qui permettent aux enfants et aux jeunes de vivre des situations d’apprentissage riches et stimulantes à l’écart des écrans et de prendre de la distance par rapport à l’usage compulsif du numérique. Prendre en compte l’IA à l’école, c’est aussi apprendre aux élèves à s’en passer et « redimensionner » l’école dans un monde qui doit être pris et compris tel qu’il est, avec les outils de l’intelligence artificielle, sans jamais oublier ceux de l’intelligence humaine.
- Écouter le podcast de l’interview de Teddy Mayeko
En juillet-août, c'est arrêt sur images
Avec cette interrogation : avec le recul, que nous disent, plus globalement, ces Rencontres-débats avec des chercheurs, des universitaires, des auteurs d’ouvrages récents invités à venir éclairer des « questions vives » dans les domaines de la pédagogie, de l’école, de l’éducation, en lien avec les enjeux de notre temps et les axes de réflexion et de travail définis en toute indépendance par notre association ?
Même si elle n’est jamais explicitement convoquée dans nos Rencontres-débats, l’Education nouvelle n’est jamais loin : on retrouve dans chacune de ces 4 Rencontres-débats, la même prise en compte des besoins et des intérêts des enfants et des jeunes dans une perspective d’épanouissement et d’émancipation individuelles d’une part, et les défis de toute nature à relever collectivement d’autre part.
Comme on aura pu le constater, ces 4 temps de rencontre entre le monde de la recherche scientifique et pédagogique et celui des acteurs de terrain ont en commun de proposer une approche globale (ou transversale) de l’éducation à différents niveaux :
- elles concernent les enfants et les jeunes sans distinction d’âges, de la petite enfance au lycée, voire au-delà ;
- elles ne renvoient pas à des disciplines spécifiques : toutes sont concernées en vue d’une éducation à la complexité ;
- elles supposent l’implication de toutes celles et de tous ceux qui interviennent dans le vaste champ de l’éducation, dans et hors l’école.
C’est dire à quel point ces Rencontres-débats sont des invitations à penser les interactions, les imbrications constantes entre l’éducation et la société pour comprendre et agir sur le monde d’aujourd’hui et de demain.
C’est, à sa modeste échelle, inscrire la MPM dans la voie ouverte par les fondateurs de l’Education nouvelle, qui, au lendemain de la première Guerre mondiale, entendaient donner toute sa place à l’éducation dans l’émergence d’une « ère nouvelle ».
Mais comment l’Education nouvelle peut-elle être force de proposition dans un monde en perpétuel changement et apporter des réponses pédagogiques satisfaisantes aux enjeux éducatifs tels que ceux abordés par la MPM dans ses quatre Rencontres-débats de l’année écoulée, sans remettre en cause l’organisation spatio-temporelle et curriculaire de notre forme scolaire d’éducation ?
De quoi sera faite la rentrée de la MPM en septembre-octobre ?
Le dimanche 7 septembre, rendez-vous au forum Explorassos, au Parc des Expositions de Mulhouse
Comme chaque rentrée depuis quelques années, la MPM sera présente à la grande manifestation qui témoigne du dynamisme de la vie associative mulhousienne. L’occasion de rencontrer et échanger avec quelques-un(e)s des membres de notre Comité d’animation, de mieux savoir ce qu’offre notre association et de formuler des demandes, faire des propositions…
Lundi 29 septembre, c’est reparti « Dans le sillage des grand(e)s pédagogues »
Cet Atelier propose, en partenariat avec le Rezo, d’aller à la découverte des « possibles » pédagogiques locaux. Cette 8e escale nous permettra - après un rendez-vous manqué, le 23 juin dernier - de faire la connaissance de l’école Tzama de Kembs : une structure alternative créée il y a 5 ans qui mise sur les pédagogies Freinet, Montessori et la pédagogie de projet d’une part et la pratique de l’école du dehors d’autre part pour, selon les enseignants, « développer le vivre ensemble et l’épanouissement de chacun ».
En octobre, deux rencontres pour une interrogation de tout premier plan : notre école est-elle vraiment le creuset de la démocratie ?
A l’heure où les trois quarts de la population mondiale vivent sous des régimes politiques autoritaires et où le développement incontrôlé de l’IA et des réseaux sociaux risque chaque jour un peu plus de compromettre nos facultés de jugement, il nous apparaît urgent de nous interroger sur la capacité de l’école, de notre école, à outiller des citoyens capables de faire vivre la démocratie.
Jean-Pierre Véran, membre fondateur du Collectif d’interpellation du curriculum (CICUR), auteur de plusieurs contributions récentes sur le rôle de l’éducation aux médias et à l’information dans la formation de l’esprit critique, a accepté de faire le déplacement depuis Montpellier pour venir animer deux rencontres sur les relations entre école et démocratie.
- Le mardi 7 octobre, en soirée, lors d’une Rencontre-débat ouverte à tous les acteurs de l’éducation qui s’interrogent sur la dimension politique de leurs pratiques, à partir de la question : En quoi l’école contribue-t-elle aujourd’hui (ou pas) à l’éducation de citoyens capables de faire vivre la démocratie ?
- Le mercredi 8 octobre, au matin, une rencontre sous forme d’échanges plus spécifiquement destinée aux personnes impliquées dans l’éducation aux médias et à l’information comme instance privilégiée de formation de l’esprit critique et d’éducation à la citoyenneté.
D’ici là, la MPM reste ouverte à tous les commentaires, à toutes les demandes d’informations, à toutes les suggestions et propositions nées sous le chaud soleil de l’été ou dans la fraîcheur d’une pluie revigorante, seul(e) avec soi-même ou à la suite d’une lecture, d’une conversation entre amis pour savoir comment soutenir et enrichir l’action de la MPM…